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... un Témoignage du Passant Bleu :

La dernière patrouille de l'Algérie française...

par Philippe GROULT

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Un récit autobiographique de Philippe GROULT.

Chapitre III: PÉRIODE ALGÉRIE!

Après la permission de fin de stage, j’embarque à Marseille le 11 octobre après une nuit au camp Ste Marthe. Inutile de parler de ce camp, c’était la honte de l’armée française.
Dans la soirée, avec 2 ou 3 copains de St Maixent, nous nous sommes fait « courser » par la Police Militaire dans les rues de la cité Phocéenne, n’ayant pas le droit de sortir du camp puisque nous étions « embarcables » le lendemain pour l’Algérie. Pas le temps d’aller tirer « un coup de bourse » dans le quartier de la Bourse, justement ou du square Belzunce…..

12 octobre, la période du maintien de l’ordre que l’on appelle depuis peu « la guerre »
Arrivés à Alger, nous sommes dirigés vers « La Redoute », le camp de transit qui se situait sous la Route Moutonnière, sur le port de commerce, situé à peu de chose près sous l’Hôtel ALETTI.
Là, on nous autorise à sortir dans ALGER, en nous recommandant de faire attention, les soldats sont fréquemment l’objet d’attentat.

13 octobre, c’est le départ pour le « front »
On m’annonce qu’un convoi est en partance vers AUMALE, PC de mon régiment , le 2e Régiment d’Infanterie. C’est un des « trois vieux », héritier du 2e de Ligne formé à la fin de l’ancien régime en 1776 sous le nom de Régiment de Provence, puis Régiment de Picardie en 1780. Il prend le nom de Régiment de la Reine en 1814.
Après avoir été recréé en 1956, ce régiment qui accueille les appelés de la région parisienne ayant fait leurs classes au 93ème R.I. de Frileuse (Essonne, situé près du parc animalier de THOIRY), les soldats de notre régiment portent la fourragère de la Croix de Guerre 1914/1918 avec 2 citations. Le drapeau porte les inscriptions suivantes : ZURICH 1799, GÊNES 1800, POLOTSK 1812, SOLFERINO 1859, LA MARNE 1914-1918, ARTOIS 1914, LA SOMME 1916, AFN 1952 -1962. En métropole, il est basé à GRANVILLE, Caserne du ROC.
Beaucoup de sursitaires arrivent de la région parisienne, ce sont des non pistonnés qui ont vu leurs copains, ayant des relations politiques, se planquer dans le régiment du Train de Montlhéry où dans les ministères.

Nous sommes plusieurs à rejoindre le régiment, qui a composé un convoi avec 2 half -tracks et trois ou quatre GMC. À l’origine, ce n’était pas pour nous, mais pour rapporter du ravitaillement, des munitions et, je pense, le courrier.
Je suis surpris lorsque l’on nous distribue des PM MAT 49 aux Officiers et Sous-Offs qui font partie du convoi. Mais oui, car nous allons emprunter les gorges de PALESTRO (maintenant LAKHDARIA), là où quelques années au paravant (en 1956), une embuscade a fait plusieurs morts. Ça vous met tout de suite dans l’ambiance.
Arrivée (sans encombre !) à Aumale en début d’après-midi (un half -track, ça ne va pas vite !). AUMALE porte maintenant le nom de SOUK EL GHOZIANE. On rend les armes au fourrier qui nous donne en échange, un paquetage complet (il ne nous reste que la tenue numéro un, le reste a été rendu à l’école au moment de notre départ de St Maixent).
J’ai rendez-vous le lendemain avec le Colonel Commandant le régiment (noblesse oblige, venant de l’ESOA, je suis reçu par le grand patron, très sympa au demeurant, les appelés, qu’ils aillent se faire voir chez Plumeau ! – Encore lui !-).
Il m’affecte au 3ème bataillon en garnison à SIDI AÏSSA, charmante petite bourgade (en fait une rue unique en terre battue , une dizaine de maisons de civils et le camp du bataillon), alors qu’à AUMALE, il y avait une population assez nombreuse, quelques commerces et surtout un BMC - (il fallait payer 5 francs pour « voir la marchandise ». Même pour des p’tits gars sevrés d’amours tarifés, il fallait avoir un très, très gros « appétit » pour monter consommer !).
Situé au sud du Djebel DJURDURA, au pied du Djebel DIRAH, le bourg de SIDI AÏSSA n’a jamais été qu’un lieu de passage pour les agriculteurs du coin, entre l’Algérois e t le sud en direction du Sahara.
Je dois attendre qu’une mission du bataillon vienne me chercher (3 jours pendant lesquels j’attrape une dysenterie carabinée (pourtant je connais l’Afrique du Nord, mais là, tout le monde y passe), l’infirmerie me soigne tant bien que mal et je suis prêt pour le voyage en jeep (aie mes fesses !) sur les pistes défoncées par les pluies d’automne.

16 Octobre, en plein dans le cœur de l’action
Arrivé au PC du Bataillon. Le Lieutenant Colonel m’affecte à la première compagnie indicatif radio : Parana (bataillon)-Blanc (compagnie) -Bleu (section). Et c’est le départ pour le merveilleux camp de vacances de MAMORA -les bains (« les bains », c’est moi qui le rajoute ! vous allez comprendre pourquoi plus loin !).
Le Capitaine L. m’accueille, sympathique, il est content, car à part 3 sous-offs algériens (dont le sergent K. qui sera mon formateur, en tant qu’adjoint du Chef de Section), il ne lui reste plus que quelques sergents appelés à quelques semaines de la quille, et q uelques Sergents Chefs et un Adjudant.
Et je prends possession de mon hébergement, dans une des deux chambres dans les quelles nous cohabitons, trois sergents appelés et moi (voir la photo du camp, la baraque en dur est la première sur la droite).

Mamora les bains, eau « courante » à tous les étages

Photo du cantonnement de la cie à Mamora

Ces derniers vont se révéler très sympas, ils jouent au bridge toute la journée (ils ne crapahutent plus étant libérables sous peu). Lorsque je vais sortir en patrouille ou en embuscade, à mon retour, prévenus par la veille radio, ils m’auront préparé une douche chaude, l’eau m’étant renversée sur la tête, complètement à poil, les pieds dans une bassine placée au centre de la chambre. Parties de rigolades et éclaboussures garanties. J’ai beaucoup apprécié ces gestes de solidarité, car après 48 heures parfois de crapahut, quel bonheur de prendre une douche bien chaude.
Sous mon lit (PICOT), j’ai une caisse de grenades OF (offensive, c’est à dire non quadrillée) , et une caisse de bière La Gauloise !
Chaque matin, un des trois libérables prépare un café pour ses copains et j’en profite, avant d’aller prendre le petit déjeuner au mess. J’appris ainsi que c’est une coutume dans le ch’ nord, de boire un petit café avant de prendre son petit déjeuner (au Maroil ?)
Au mess mixte (Officiers, Sous -Off et Caporaux-chefs), dame nous ne sommes pas très nombreux et le Capitaine aime bien avoir son encadrement près de lui, une très bonne ambiance et l’on ne mange pas trop mal grâce à un chef cuistot de profession.

La vie à MAMORA, un poste bien paumé dans le djebel

MAMORA porte maintenant le nom de SOUK DJEMAA . Il faut situer le contexte.
C’est une bande de terrain à peu près plate d’environ 800 mètres de long sur une centaine de mètres de large. De chaque cô té, un à-pic important, le sol émerge à 50 ou 60 mètres de haut. Une piste pratiquement toujours défoncée en raison des pluies fréquentes l’hiver (les contreforts du Djebel DIRAH et du DJURDJURA bloquent les masses nuageuses, qui déversent leurs eaux sur nos têtes ) permet aux véhicules d’atteindre le poste .
Tout autour de ce charmant coin, émergent des pitons sur lesquels sont perchés en permanence des petits bergers. Notre camp ut ilise la totalité de l’espace à peu près plat pour les installations militaires. 4 ou 5 baraques en dur, pour les installations des Officiers, des Sous -Offs, du mess, du PC radio et du bureau du Capitaine.
Le reste est constitué de tentes kakis qui servent de chambrées à la troupe. Une autre utilisation de ces « guitounes » mais on en parle plus bas.
Heureusement, je ne vais pas rester longtemps dans ce camp qui est situé à quelques centaines de mètres du bourg, sur une plateforme qui domine les mechtas des quelques habitants de ce lieu enchanteur !
Simplement protégés par des barbelés, no us sommes constamment harcelés par les petits Yaouleds (titis algériens) qui viennent quémander un peu de nourriture et quelques piécettes de monnaie.Pas bien méchants, mais je vais vite me rendre compte que ces « asticots » sont en réalité des « Choufs », c’est- à-dire des espions chargés de nous surveiller et d’avertir les grands du village, qui sont aux ordres de l’ALN, lorsque nous nous préparons à sortir.
D’ailleurs, nous sommes environnés de pitons sur lesquels les « choufs », les petits bergers, (traduction de chouf : regarde), donnent l’alerte chaque fois que nous embarquons dans les GMC.

Grave problème ; la dysenterie qui touche tous les Européens de la compagnie. Pour y remédier, le Génie est venu creuser une grande tranchée d’une centaine de mètres sur une largeur de 50 cm.Rapidement mise à l’abri avec des toiles de tente montées sur piquets (on aperçoit tout au fond le côté gauche de la première des tentes qui protègent la tranchée, et qui sont placées perpendiculairement à celles qui servent de chambrées), et des planches jetées tout au long du trou (on dit une feuillée dans le langage militaire de bon aloi !), et nous nous retrouvons à tour de rôle toute la journée et parfois la nuit, en bonne compagnie, le Capitaine et les Officiers en avant, plus de hiérarchie dans ces cas -là, à faire ce que l’on a à faire et souffrir du postérieur comme ce n’est pas permis (d’où l’expression de « Mamora-les- bains » pour ce lieu maudit !). Pendant les ratissages, à chaque instant, si l’un d’entre nous est obligé de poser culotte, on détache un « valide » pour protéger le malheureux qui va comprendre sa douleur au redémarrage dans les montées ! Ouille, ouille, ouille, mes fesses ! Surtout quand après plusieurs « posés » on ne peut rendre à la nature que du liquide !
En fait, c’est ce qui a été le plus terrible dans cette affectation. Seuls les Algériens sont exemptés de dysenterie.

Le crapahut, où l’on s’aperçoit que la guerre a vidé le djebel de ses troupes rebelles (les HLL)
On sort presque tous les jours, surtout moi qui suis engagé, mais excepté les problèmes digestifs, j’aime plutôt ça, surtout lorsqu’il fait beau, et pas trop froid. On marche, mais je suis dans l’infanterie, quand même, il ne manquerait plus que je me plaigne de marcher !
On ratisse les couloirs de passage entre le Constantinois et l’Algérois (derrière la Kabylie).

Un soir, à la tombée de la nuit, au retour vers les « roulettes », à la suite d’une erreur, un tir bien nourri est déclenché plus par la peur que pour une autre cau se. Dans la section qui est sur la crête, un voltigeur a cru voir une ombre qui se serait faufilée dans les broussailles. Pas de sommations, il décharge sa MAT 49 au jugé.
Bien entendu, il est aussitôt imité par une demi -douzaine d’imbéciles qui sont ravis de dérouiller leurs armes.
Étant chargé du groupe d’arrière garde, je ne comprends pas ce qui se passe jusqu’à ce que j’arrive au milieu du gros de la troupe pendant que l’autorité ordonne, depuis plusieurs minutes, sans être obéi, bien sûr, le cessez-le-feu.
À côté de moi, un vrai titi parisien, fumiste de première, gouailleur, le rigolo de la compagnie, décharge à toute vitesse les clips de son fusil Garant et enclenche en moins de temps qu’il faut pour le décrire un second clip qui sitôt chargé s’en va en fumée. J’ai beau lui dire de stopper son tir, il engage un troisième chargeur et continue à tirer.
Jamais vu une telle rapidité pour gaspiller des munitions !
Heureusement nous sommes tous en ligne, mon groupe à mi -pente dans le talweg et devons patienter que les coups de feu se s’arrêtent enfin. Grosse engueulade du Lieutenant qui déboule à mon côté et décharge sa mauvaise humeur sur mes sbires.
Je lui expliquerai le lendemain au mess que les gars ont été surpris par les premiers tirs venus de la crête.
M’enfout je veux pas l’savoir, me sermonne -t-il en rigolant, on va te faire payer les cartouches gâchées par tes zigomars !

Photo d'un crapahut dans la région du Djebel Dirah

La 3 éme section du III/2 éme RI (Indicatif : « Parana-blanc-bleue ») crapahute dans la région du Djebel Dirah

Sortie avec la Harka, alors là, on voit que ce n’est plus de la rigolade.
Je suis devenu copain avec le Lieutenant (appelé) B.. C’est un juif qui déclare à qui veut l’entendre que dès que la guerre d’Algérie sera finie et son temps sous les drapeaux termi né, il va rempiler dans l’armée israélienne, car il pense que les Juifs de Palestine ne vont pas tarder à se battre contre les armées arabes qui les cernent de toutes parts (il sera vraisemblablement là pour la guerre des 6 jours de 1967). C’est un grand c ostaud, barbu et sympathique. Il me demande si je suis volontaire pour être son adjoint au Commando de Chasse « Kimono 13 ». Comme le travail en section n’est pas folichon (piton, talweg, piton, talweg, etc.… ), je saisis l’occasion et le Capitaine me mets à la disposition de la harka.

Le Commando Kimono 13.

Il s’agit d’une formation d’une trentaine de ralliés qui quelque temps au paravent faisaient partie de la Willaya (4, je crois me souvenir !) du Constantinois et de l’Algérois. Des Kabyles (lorsqu’ils parlent entre eux, je ne pige pas un mot, alors que je me débrouille un peu en arabe dialectal).
En fait, je ne vais sortir que 2 fois avant le cessez -le-feu.
La première fois, pour éviter d’être repérés par les petits bergers qui nous espionnent, du haut de leur tour de contrôle, nous procédons comme suit.
Dans la matinée, la harka embarque dans les « roulettes », avec les sections qui vont « ratisser ». Nous partons sous les appels et les sifflets des « choufs » qui surveillent du dessus du village.
Toute la journée au vu et au su de tous, nous crapahutons dans le djebel.
À la nuit tombée, les « roulettes » viennent nous récupérer et nous reprenons le chemin du poste. Mais en cours de route, sur un secteur bien connu pour être le lieu de passage entre le Constantinois et l’Algérois, les camions ralentissent et à tour de rôle, nous nous laissons glisser sur le bas -côté de la piste.
Lorsque les GMC sont partis, que le silence est rétabli, nous sortons de nos cachettes et nous allons nous mettre en place en embuscade sur le passage des fellagas.
Manque de chance, le renseignement qui nous avait été communiqué s’est révélé faux. Personne ne passe cette nuit -là. Vers 5 heures du matin, nous décrochons et nous retrouvons les camions qui nous attendaient un peu plus loin. Je soupçonne un des ralliés d’avoir communiqué la combine au responsable local de l’ALN.

La seconde sortie s’est avérée un peu plus « rock and roll ».

Mon chef de harka m’envoie sur un chemin très fréquenté par les HLL (pour les non -initiés, HLL, ce sont les « Hors La Loi »). Un GMC, un Sous -Off et 15 harkis ralliés en embuscade.
Pendant toute la nuit, je ne suis pas très fier, je suis couché près du poste radio (un ANGRC9, je crois), la MAT 49 chargée et posée en travers du corps.
C’est idiot, car si j’avais du être envoyé ad patres, je n’aurais pas eu le temps de réagir, quant à appeler au secours par radio, encore eut -il fallu qu’un des zigomars me tourne la « gégène » !
Enfin le matin arrivé nous décrochons. J’ai eu la trouille de ma vie. Quand je raconte ça au mess ; je me fais foutre de ma gueule par tout l’état major !

Le camp de prisonniers de PAUL CAZELLES, (non, non, cela n’a rien à voir avec les camps de concentration).

Ce camp était situé à 120 km de BLIDA et 120 km de BOU SAADA, c’est le début du SAHARA. Le village porte maintenant le nom de BIRINE.
L’état avait installé ici un camp de prisonniers FLN condamnés à des peines légères.
Il se composait d’un grand carré d’environ 200 mètres de côté avec 4 subdivisions identiq ues.
Trois de ces subdivisions étaient constituées d’un second carré entouré de clôtures et de barbelés. Le quatrième carré était réservé à la garde du camp.
Tout autour des enclos, une clôture faite de grillage électrifié et d’un chemin de ronde avec une route en latérite (ce détail a son importance, voir ci -dessous). Attention, contrairement à ce qui a été décrit par la République algérienne, ce n’était pas un camp de concentration tel que les Allemands avaient construit avant et pendant la Seconde Guerre Mondiale.
La seule chose qui était interdite aux prisonniers, c’était de sortir !
À part cela, la vie à l’intérieur du camp n’était pas trop dure.
D’abord, les gardes n’avaient pas le droit de pénétrer dans les enclos réservés aux prisonniers (étonnant non !). Ceux-ci recevaient chaque jour leurs familles. Interdiction de fouiller les femmes qui apportaient à peu tout ce que désiraient les hommes, y compris des armes ! Et l’on savait que des armes et des munitions il y en avait plus chez eux que dans nos quartiers !

Chaque soir, le camp était refermé après que les familles soient sorties (pas de contrôles là non plus !!!).
Avant que la nuit soit complètement tombée (nous sommes en novembre 1961), un 4 X 4 Renault emporte 7 maîtres chiens et 7 chiens de garde dressés pour l’attaque. Sur chaque côté extérieur du camp, 2 câbles de 100 mètres de long environ, séparés par un grillage empêchant les chiens de se bagarrer, surveillés par des miradors munis de projecteurs. Sur ces câbles, les maîtres -chiens attachent leurs animaux par un mousqueton qui glisse le long du câble. Ainsi le chien peut aller où bon lui semble toute la nuit.
Le matin, on relève les animaux à l’aide du même véhicule.
Ceux qui se souviennent, auront remarqué que 2 petites fenêtres avec un plexiglas coulissant sont situées derrière le chauffeur et le Chef de bord, des véhicules 4 X 4 Renault.
Au bout de quelque temps, n’ayant rien à faire que de m’occuper des relèves de gardes dans les miradors, je propose au collègue qui fait chaque soir la tournée des chiens de le remplacer. C’est ainsi que plusieurs soirs durant le mois que j’ai passé à PAUL CAZELLES, j’ai donc fait la mise en place du soir des animaux gardes.
La dernière fois que j’ai fait ce travail, je n’avais pas remarqué que le ple xiglas qui se trouvait derrière moi était grand ouvert. Avant de débarquer son chien, chaque maître le débarrassait de sa muselière (les bêtes étaient très dangereuses et ne connaissaient que leur dresseur).
À un moment, la route étant très ravinée, malgré la vitesse très lente que l’on adoptait sur ce chemin, un gros trou me force à basculer brusquement vers l’avant.
À ce moment, je sens un souffle puissant derrière moi et un claquement de dents.
Je me retourne et je remarque un maître -chien qui tire sur le collier de son animal pour le dégager de la fenêtre.
Je m’aperçois alors que je viens d’échapper à un coup de crocs d’un de ces bergers allemands, dont l’œil mauvais ne me quitte plus depuis ce jour.
Ayant débarqué son animal, le maître -chien tente de s’excuser, je ne lui laisse pas le temps et lui passe une soufflante comme il doit s’en souvenir encore.
Ses copains en remettent une couche, ils ont assistés à la scène et sont complètement catastrophés. Moi-même je suis encore tout tremblant lorsque j’arrive au mess et que je raconte la scène au Lieutenant responsable du camp.
Je n’ai jamais plus demandé à conduire les chiens, le responsable s’en est tiré avec une belle punition (je suppose !).

Une nuit, tentative d’évasion. Une compagnie de Légion effectue une battue. Les coupables sont retrouvés en quelques heures. Ils avaient réussi à se faufiler sous les barbelés (tous munis de pinces coupantes. Je me demande qui le leur avait fourni le matériel ? Mystère !!!), de plus le chien responsable de l’endroit ou se sont faufilés les évadés, n’a pas accompli sa tâche. On a supposé que les évadés lui ont donné une boulette contenant un produit anesthésiant.

Stage de piégeage à BOUIRA, où je retrouve une connaissance.

Comme je suis depuis St Maixent un spécialiste des mines et pièges, ma hiérarchie m’envoie faire des stages de perfectionnement en situation réelle.
C’est ainsi que je me retrouve au 22 ème BCA dans le commando Partisan 4 en poste à BOUIRA. Le capitaine GASTON est un sacré guerrier. Il est chargé de surveiller une zone interdite, qui comprend un passage entre la Kabylie et le reste du secteur constantinois et algérois.
Comme il ne peut pas surveiller chaque nuit un secteur immense, il a eu l’idée de piéger les passages les plus importants.
Je vais donc apprendre à poser des pièges (un obus de mortier dont la fusée a été remplacée par un allumeur. Un fil piège traverse le chemin). Et au cours de mon séjour, je vais assister à un résultat. Un matin, nous remarquons qu’un obus a explosé, du sang séché, encore frais, macule la terre sur le chemin.
C’est au cours de ce stage que je vais retrouver un ancien ESOA, Yves A., le Niçois.

Stage de mines à BOUFARIK, ses grandes propriétés, ses oranges.

Février 1962 ma hiérarchie me désigne pour un stage de mines dans la Mitidja, à BOUFARIK. Là, nous sommes hébergés dans une ferme au milieu des orangers.
J’assiste à l’explosion de mines anti personnelles bondissantes. C’est effrayant les dégâts que peuvent provoquer ces engins (inventé s par les Allemands). Après l’explosion, nous allons a ux résultats. Les billes qui ont été éjectées au moment où le boîtier se trouvait en position haute ont déchiqueté les arbres des alentours. Certains projectiles sont fichés à plusieurs centimètres à l’intérieur des troncs d’eucalyptus et des d’orangers qui nous entourent.
Nous allons voir fonctionner tout un tas de machines infernales dont les inventeurs sont des Allemands, ou du matériel copié sur nos voisins d’outre -Rhin. Un spécialiste du Génie nous fait voir comment piéger des outils, des affaires mili taires ou même de la nourriture. Ainsi le premier passant qui a l’intention de récupérer ce qui traîne par terre, se retrouve déchiqueté, voir parfois tué par ces engins.
Nous logeons dans une grande ferme, presque à l’abandon. Des hectares d’orangers qui auraient du être récoltés. Les fruits pourrissent sur les arbres, tous les ouvriers ont quitté l’exploitation (sur ordre du FLN) avec familles, armes et bagages. Pourtant, le propriétaire, complètement éc œuré nous fait visiter les lieux. Il a construit u n village aux normes musulmanes avec tout le confort. Une petite mosquée est au centre du douar, une école avec un instituteur, mis en place par l’administration, chargé d’éduquer les enfants des travailleurs. Une nuit, tout ce petit monde a pris la poudre d’escampette. On ne les a jamais revus (je suppose qu’il ont été de retour après l’indépendance).
Le malheureux en pleurait presque, de voir des centaines de caisses d’oranges en train de pourrir sur place, et de savoir tout son personnel obligé de dégue rpir pour se retrouver sans moyen de subsistance quelque part dans la nature.

Attaque de nuit à MAMORA, un acte héroïque des HLL.

Un soir, après un retour de crapahut, et ma douche bien agréable, je me jette sur mon lit Picot et j’entame un roupillon de compétition.
--5 heures du matin, je sens une main qui me remue l’épaule
- Qu’est-ce que tu fous là, grand fainéant ? Tu n’as pas entendu les coups de feu ?
- Quels coups de feu ? Moi quand je dors, je dors.
- Eh ben, on s’en aperçoit ! (Tous les sergents de la chambre sont pliés en deux de rire). On a été attaqués par des gus qui se sont pointés juste derrière les bâtiments, toute la compagnie est sortie, on a tiré au FM, et toutes les armes individuelles et toi, tu n’as rien entendu ?
- Ben non ! je réplique, ça alors, c’est la meilleure.
- Bon maintenant tu te lèves, le Pitaine ne s’est aperçu de rien, tu viens au mess, la compagnie de la Légion (2éme RE, je crois me souvenir) est arrivée pour nous dégager, lorsque l’on a appelé à l’aide au début de l’attaque. O n va fêter ça avec les Officiers et les sous-Offs qui sont invités par L..

C’est ainsi que je vais faire la connaissance d’un Capitaine (je ne me rappelle plus son nom) qui va me faire passer une partie du CIA à Fort de l’Eau dans quelques semaines et grâce à qui je vais avoir, haut la main, l’examen ! Le reste de la nuit fut très arrosé comme il est de tradition dans la Légion !

Mon seul « acte de guerre », ah, oui, quand même, je ne suis pas venu pour rien !

Quelque temps avant le cessez-le-feu du 19 mars 1962, enfin un tuyau valable ; 2 gugusses sont tranquillement en train de traverser la zone interdite, ils ont été repérés par un « ventilateur » (hélico basé sur le terrain de TIZY-ORLY !).
Une partie de la compagnie est déployée dans la zone.
Coup de pot, en arrivant sur zone, c’est mon groupe qui aperçoit les 2 hommes les premiers.
J’informe l’autorité qui me demande de les stopper.
En quelques minutes, nous nous retrouvons à une centaine de mètres des 2 présumés ennemis, sur une petite hauteur, ce qui fait que nous dominons les cavaleurs. Ils sont en train de crapahuter dans un pli de terrain, et c’est vrai que sans l’hélicoptère, ils seraient passés sans être détectés.
Avant que je dise quoi que ce soit, les gars se mettent à tirer à tout va dans la direction des fuyards.
Heureusement, nous sommes trop loin pour qu’ils risquent de recevoir une balle de Garant ou de PM, et de toute façon, mes gars sont des nuls au tir de précision.
Cessez-le-feu difficilement obtenu, j’interpelle mon tireur de FM :
- SMP-OMAR une rafale devant, une rafale derrière. (SMP = Sans Nom patronymique)
- Ouarha Sergent (oui Sergent).
2 rafales plus tard, les fuyards s’arrêtent, font demi -tour et face à mon groupe ils lèvent les mains.
On leur ordonne de rebrousser chemin et quelques minutes plus tard, on procède à une fouille en règle. (Pas d’armes sur eux). À ce moment mon chef de harka arrive et me déclare :
- je demande à la compagnie de faire venir les gendarmes, je connais mes gus, ils ont tendance à avoir la main lourde lorsqu’ils participent à des interrogatoires.
Quelques jours tard, il s’avère que ce sont bien des HLL qui pensaient être tranquilles en traversant la zone interdite pour se rendre en Kabylie.
Le Capitaine me convoque.
- Bravo pour votre intervention. Je dois vous proposer pour la VM (Valeur militaire), sur demande de votre Chef de harka. Mais, je vais vous demander votre accord pour que cette décoration, je puisse l’attribuer à un de nos gars, Untel, le fumiste de la 3 ème section, que vous connaissez bien.
Ce dernier est de la classe, mais avec le nombre de jours de prison qu’il a accumulé, il va faire quelques semaines de rab sauf si je lui décerne la VM. Si vous êtes d’accord, je lui épingle la décoration, la prochaine, c’est pour vous !
Moi, grand seigneur :
- Bien sûr mon Capitaine… !
Quelques jours plus tard, c’était le 19 mars 1962 !

Affectation à La Baraque peu de temps avant le cessez-le-feu.

Du secteur de BIR GHABALOU -prononcé BIR- RABALOU), là on ne rigole plus.

Un petit cantonnement sur la route d’Aumale à ALGER. Durant 15 jours, nous devons tenir ce poste qui permet de maintenir la route ouverte.
La nuit, des membres de l’ALN viennent aux alentours afin de faire déserter les Algériens qui font leur service militaire dans l’armée française, en emportant leur arme. Certains refusent et tirent sur les HLL. Par contre, l’un d’entre eux succombe aux sirènes du FLN.
Il est retrouvé le lendemain matin, égorgé (le sourire kabyle) dépossédé de son arme bien entendu.
En quittant le poste, on récupère toutes les tenues (bleues) qui permettaient d’habiller les forces supplétives. La compagnie va être équipée de sous-vêtements bleus jusqu’au départ de l’Algérie. Le matériel restant sera abandonné un peu plus tard dans les locaux du régiment à AUMALE. Puis c’est le cessez -le-feu du 19 mars 1962. Mais le cessez -le feu, c’est la théorie, dans la pratique, vont s’affronter, d’une part, l’OAS qui refuse de baisser le bras et va mettre une panique générale et d’autre part, le FLN qui n’entend pas se faire déposséder de sa « victoire ».
Le bled est à près calme, par contre, tout va se passer dans les grandes villes.

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suite du chapitre 3