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... un Témoignage du Passant Bleu :
La dernière patrouille de l'Algérie française...
par Philippe GROULT
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Je suis né en 1941 dans un petit paradis sur terre ; le Maroc.
Ce pays est sous protectorat français depuis 1912,(Une entente franco - allemande de 1911 autorise la France à imposer le 30 mars au Sultan Moulay Hafid à Fès un protectorat sur la majeure partie du pays à l’exception de la partie nord -le RIF-qui lui, fut confiée à l’Espagne . )
Un petit paradis, mais bien entendu pas pour tout le monde.
En effet, la plus grande partie du peuple marocain, formé de paysans extrêmement pauvres, avait les pires difficultés à survivre. Pendant ce temps, plusieurs milliers d’Européens, en majorité des Français qui avaient traversé l’océan Atlantique ou la Méditerranée pour fuir la pauvreté et le chômage, étaient en train de construire un pays moderne. Ceci avec la complicité des grands féodaux Marocains qui, bien sûr, ont pu profiter des retombées du développement du pays.
Cela ne se fit pas sans mal, la rébellion berbère n’a déposé les armes qu’aux alentours de 1921, d’une part, et aussi pour les conditions de vie qui étaient très difficiles en raison des conditions sanitaires insuffisantes, d’autre part ; (malaria, lèpre, tuberculose, choléra et autres maladies endémiques).
La puissance coloniale comme il est de bon ton, maintenant, de parler de la France, grâce à un extraordinaire Général désigné comme premier Résident général au Maroc, le futur Maréchal LYAUTEY entreprit une œuvre gigantesque. Non content de pacifier le pays grâce à une armée bien entraînée et bien encadrée, il fit œuvre de bâtisseur en construisant des villes modernes qui par la suite seront plus ressemblantes aux grandes villes californiennes que de celles, étriquées, veillottes et en ruine du vieux continent.
Quiconque se promène encore dans les quartiers dits européens des villes de Rabat, Casablanca, Meknès, et autres agglomérations d’importance, peut encore apprécier les réalisations de LYAUTEY.
Un principe général conduisait ce bâtisseur: faire en sorte de toujours respecter les coutumes musulmanes (interdiction aux non musulmans de pénétrer dans les mosquées, habitat traditionnel clos afin d’empêcher les étrangers de voir l’intérieur des maisons s’ils n’ont pas été invités à pénétrer, respect des règles de vie dictées par les religions, séparation des quartiers juifs chrétiens et musulmans, etc.… )
Dans les quartiers neufs, par contre de larges avenues, la plupart du temps réalisées à 2 fois 3 voies (bien avant le boum de l’automobile), séparées par un terre -plein planté de gazon africain (le kikouyou) et de palmiers qui atteignent maintenant des hauteurs impressionnantes, mais qui sont parfaitement adaptés au climat du pays, permettent de desservir les centres vitaux des villes.
Pour nous, petits Français (nous n’employions jamais ce vocable tro p réducteur. Nous étions « les Européens » en opposition aux Marocains, sans caractère péjoratif ni raciste), dans la période pré et post indépendance, c’était magnifique. Nous pouvions faire la différence avec la France et aussi l’Espagne que nous traversions chaque année, au moment des grandes vacances. Ce grand pays qui se relevait difficilement de la guerre civile, et qui était loin d’offrir à ses habitants le confort moderne à l’américaine que nous connaissions, nous tout au long de l’année. En effet, chaque villa, chaque appartement du centre -ville possédait sa ou ses salles de bain, le chauffage central, bien que la température même en hiver soit très clémente, son réfrigérateur, son four, sa gazinière, etc.…
Pour les réjouissances, les bases américaines diffusaient des programmes de radio et de télévision que nous captions très facilement (surtout pour la radio). Nous pouvions écouter les premiers morceaux de rock and roll (le vrai) à longueur de journée. Nos copains plus âgés, qui étaient employés da ns les « PX » des bases, nous ramenaient les derniers enregistrements encore tout chauds d’avoir été pressés à Memphis, Tennessee, aux USA, et qui avaient traversé l’Atlantique à bord des avions cargo de ravitaillement des bases de l’US Air Force d’Europe et du Moyen Orient.
L’éducation scolaire ; de grands établissements modernes comme le Lycée Lyautey de Casa, servis par des professeurs de grande qualité et heureux de prodiguer leur savoir dans un climat agréable, nous permettaient de poursuivre nos études dans les meilleures conditions. Enfin, les loisirs n’étaient pas absents. Sur la corniche de Casablanca, de nombreuses piscines d’eau de mer, des dancings, des night-clubs, de très nombreux restaurants assuraient une vie très agréable à ceux qui en avaient les moyens, en grande partie la population européenne. Bien sûr les Marocains aisés pouvaient fréquenter les mêmes lieux, mais les « événements » qui ont marqué la fin du Protectorat ont mis un coup d’arrêt aux bacchanales pour cette partie de la population. Les indépendantistes (le parti de l’Istiqlal) ayant interdit aux ressortissants marocains d’y participer, sous peine de mort.
Dans le quartier MERS-SULTAN où j’habite, un copain un peu plus âgé que moi, revient d’Algérie. Il a fait les EOR et a été Chef de Section au 11 ème CHOC basé à SOUK ARRAS. Il nous raconte ses exploits ; le barrage électrifié sur la frontière Algéro -Tunisienne, la chasse aux « Fells » avec parfois un petit débordement en Tunisie (le droit de suite explique -t-il !). Et pendant des heures, il nous narre ses sauts en parachute, les planques sur les passages de l’ALN, les accrochages fréquents, etc. … Il est vrai que ce qu’il nous raconte, c’est l’Aventure avec un grand A, et j’avoue que je me mets à rêver !!!
De nombreuses troupes militaires françaises occupent encore le territoire marocain (l’Indépendance a été obtenue en 1956). La France a encore (et à la demande du Gouvernement Marocain), une présence militaire importante, le temps que les Forces Armées Royales issues de l’Armée Française soient opérationnelles. En effet, le Roi (Mohamed V), et son fils (Moulay Hassan , le futur roi HASSAN II) craignent les révoltes des « Rifains », ce peuple Berbère très autonome et très farouche, qui refuse l’allégeance au Trône Marocain, et qui, maintenant, cultive le hachich que viennent acheter les trafiquants européens.
Donc, il subsiste une importante présence militaire française avec une armée de l’air conséquente, qui entretient des bases comme pour l’école de la chasse (Marrakech), l’école de transformation sur avions à réaction (Meknès), une autre base de chasse située près de la frontière Algéro -Marocaine (Oujda). (A signaler ; une petite particularité du terrain d’Oujda Les Angads. En approche par vent d’ouest, les avions passent au-dessus de l’Algérie en courte finale). Une base transport à Rabat Salé. Les Ateliers Industriels de l’Air chargés de la maintenance des appareils, dans lesquels mon oncle André DELAVIGNE est cadre mécanicien. Ces installations voisinent avec une base de la chasse à Casablanca Camp Cazes (ce terrain est devenu CASA-ANFA par la suite).
Pour la Marine, une flotte importante à Casablanca et à Khénitra (ex Port-Lyautey), une base aéronavale à Agadir Inezgane dont les effectifs seront les principaux intervenants lors du tremblement de terre qui détruisit une grande partie de la ville le 29 février 1960, et qui seront vivement remerciés par le Prince héritier Moulay Hassan, le futur roi Hassan II, venu visiter le chantier des secours.
Enfin l’armée de terre était très fortement représentée avec plusieurs régiments dont le 1er Zouave stationné dans les faubourgs de
Casablanca, l’Infanterie de Marine, la gendarmerie etc....
Sans oublier plusieurs hôpitaux militaires dans chaque grande ville du Royaume, dont l’hôpital Jean VIAL à CASABLANCA, l’hôpital AVICENNES à RABAT. Bref, c’était encore une annexe de la France.À noter que les Américains entretenaient plusieurs bases dont celle de NOUASSEUR, devenue maintenant l’Aéroport International Mohamed V de Casablanca. Il y avait aussi les installations de Ben Guerhir, Sidi Slimane, Ben Slimane et Khénitra. Certaines de ces bases étaient mixes, franco -américaines comme Khénitra (Aéronavale) et dans une certaine mesure, NOUASSEUR et BEN GHÉRIR ( armée de l’air). A noter que l’US Air Force avait installé une base de chasse secrète le long de la frontière algéro - marocaine, en accord avec le gouvernement chérifien qui craignait qu’après l’indépendance de l’Algérie, les Soviétiques en profitent pour s’installer dans ce pays, ce qui s’est révélé exact dès 1963.
Aussi, les petits Français qui atteignaient 18 ans passaient la visite d’incorporation dans la caserne EUDES, (située au cœur de la capitale économique, Casa). Comme sur le territoire national, ceux qui étaient B.S.A. (bons pour les filles !), avaient le droit de porter la cocarde bleue, blanc, rouge et de défiler dans les rues de la ville sous les regards amusés des Marocains ! Ceux qui le désiraient pouvaient accomplir une période de préparation militaire élémentaire puis supérieure puis une prépa parachutiste après avoir subi une visite médicale et un test physique important (une marche para ; 9 kilomètres en une heure dans le djebel marocain). Test de santé que je ne réussirai pas en raison de ma constitution physique - 1m82 pour 60 kg. Comme m’a dit le médecin militaire, « si on vous largue en parachute, vous n’arriverez jamais au sol, vous ne pesez pas assez lourd » !
En fait, ce médecin avait détecté en moi un souffle au cœur qui tout au long de ma future carrière militaire et mes exploits sportifs m’a profondément handicapé, jusqu’à ce qu’un autre docteur me signale cette malformation à Nice dans les années 80 lorsque je devins pilote en aéroclub.
Muni d’un treillis qui avait du faire la guerre de 14 -18, (voir les trois bidasses posant pour la photo ci-contre), une paire de guêtres, et un béret, nous nous rendions chaque samedi dans la caserne pour y apprendre les rudiments du service armé. Bien sûr, lorsque nous nous rendions à la caserne pour jouer à la guerre, nous défilions dans la ville, très fiers, bombant le torse devant nos petites copines ébahies sinon énamourées !!!
Caserne du 1er Zouave à Casablanca, la préparation militaire avec les copains Mario et Daniel (les Corses du coin !)
Ainsi pendant une année, nous allions apprendre à tirer (à la carabine 22 long rifle), crapahuter avec un sac de 10 kg dans le dos, découvrir les écorchés des armes ultra modernes (sic !), comme le FM 24/29, le fusil MAS 36 et le pistolet mitrailleur MAT 49, sur les planches (en couleur s’il vous plaît !) et démonter ces armes en salle, faire de la radio (les rudiments), et enfin apprendre à lancer les grenades (inertes, bien sûr) sans blesser les copains, etc. Une période sympa jusqu’au 29 février 1960 où nous avons été sollicités pour participer aux recherches des corps dans les décomb res du tremblement de terre d’Agadir qui venait d’avoir lieu et qui avait ravagé une bonne partie de la ville européenne, et la quasi totalité de la médina.Après quelques jours de fouille dans les ruines, nous fûmes ramenés sur la base aéronavale pour gérer les survivants (les nourrir, les vêtir, leur fournir un peu de ce qu’ils avaient perdu), enfin embarquer dans les avions les cercueils rapatriés sur la France. Nous agissions sous le contrôle de la Croix Rouge Française qui nous prenait en charge pour l’intendance avec l’aide des marins de la base aéronavale.
Sur la base d’Inezgane, l’hôpital avait recueilli des blessés qui dormaient dans les chambres du premier étage.
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Un soir, alors que nous nous reposions après une journée particulièrement bien remplie, une réplique du tremblement de terre se déclencha. Comme nous étions devant la piscine du mess des officiers, nous avons pu constat er l’importance de la secousse, car l’eau du bassin se mit en mouvement de droite à gauche et de gauche à droite, pendant plusieurs dizaines de minutes. Impressionnant !
À ce moment des cris d’effroi sortirent de l’hôpital tout proche. Les rescapés alités hurlaient et demandaient à être sortis, ils ne voulaient plus rester sous un toit en dur.
Avec les marins et les autres secouristes, nous dûment sortir tous les lits contenants les blessés qui nous priaient de faire le plus vite possible.
La douceur de la nuit africaine permettant à ces malheureux de dormir à la belle étoile.
Puis ce fut le retour vers nos domiciles, notre période de secouriste avait duré une semaine. Nous fûmes relevés par des volontaires venus d’Espagne et de France.
À ce propos, pour rejoindre Agadir et revenir à Casa, j’ai pu embarquer dans un Nord 2501 de la LUFTWAFFE !!, assis sur des planches qui serviraient à fabriquer des cercueils et environnés de grandes quantités de pain, pour nourrir les rescapés, pour l’aller, pour le retour, un peu plus de confort, si l’on peut dire qu’il y avait du confort dans le Nord 2501, cette casserole volante !
Retour dans ma ville natale, et jusqu’à la fin juin, reprise des cours et passage avec succès du diplôme de fin de première année de préparation militaire. (Nous eûmes le droit dorénavant de porter sur l’épaulette l’insigne de cette préparation).
Côté études, euh ! Enfin, passons rapidement, voulez-vous !!!
Avec mes parents, je pars en vacances en France comme chaque année.
Que va-t-on faire de moi ? Reprendre les études pour repasser le BAC ? C’est à dire encore une année de perdue, bref je décide de devancer l’appel.
Ayant demandé à m’engager dans l’armée de Terre, auprès de la Gendarmerie de ROUEN, je suis invité à effectuer mes trois jours à CAMBRAI dans le Ch’nord.
3 jours pendant lesquels je vais apprendre à me raser à l’eau froide, le matin de bonne heure. Heureusement, c’est encore l’été, il ne fait pas froid. Comme tout le monde, je vais passer des tests pour savoir ce que l’on va faire de moi. Ayant réussi les tests EOR, je suis invité à choisir une école d’application. Sans savoir que les EOR de l’Infanterie ont quitté St MAIXENT pour CHERCHELL depuis peu, je demande l’EAI de St MAIXENT. Personne ne me signale que comme j e me suis engagé, je ne peux pas faire le stage EOR, mais cela je ne vais l’apprendre que plus tard.