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... un Témoignage du Passant Bleu :

La dernière patrouille de l'Algérie française...

par Philippe GROULT

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Un récit autobiographique de Philippe GROULT.

EN GUISE D'AVANT-PROPOS !

Depuis que l'on évoque le cinquantenaire de la fin de la guerre d'Algérie, fleurit toute une littérature émanant d'un certain nombre de soi-disant « acteurs » qui à longueur de pages tentent de justifier ou de se justifier de certains actes qui ont été commis durant cette période trouble.

Certains justifient la torture, d'autres se proposent de vilipender les militaires pour ce qui a été accompli durant les années qui ont précédé l'indépendance.

Ce sont en général de « grands esprits » qui ont tout compris et qui pensent qu'ils doivent insulter les acteurs de ce drame.

Situés dans les bas fonds de l’intelligentsia d'extrême gauche, des avocaillons défenseurs des porteurs de valise pour le FLN, des poseurs de bombes qui ont tué, défiguré et meurtri à vie de pauvres gens qui se sont trouvés par hasard à un certain moment sous le souffle brûlant des explosifs et qui au mieux, en porteront tout le reste de leur vie les stigmates effrayants, au pire qui n'ont pas survécu au massacre, ces grands esprits tentent de faire passer des actes d'une lâcheté immonde pour des actes d'héroïsme.
A ceux-là qui se pavanent, cigare à la main, ou brûlant de haine à l'encontre de ceux et celles qui ne pensent pas comme eux, je leur dis, qu'ils ou qu'elles ont de la chance d'être en paix avec leur conscience. A côté de ces personnages qui se prétendent représenter la conscience humaine, moi, simple petit humain qui n'a jamais ni employé ni justifié ni condamné les actes atroces qui ont été commis pendant toute une période trouble, je les méprise souverainement pour ce qu'ils peuvent dire, écrire et se prostituer devant les caméras des journalistes avides de remplir les émissions de repentance.

A ceux-là, je dirai simplement: vous oubliez simplement que vous vous faites de la publicité à bon compte sur les dépouilles des pauvres gens que vous n'avez, bien entendu, jamais rencontrés, jamais croisés et surtout jamais évoqués, préoccupés que vous fussiez à faire de pauvres et minables assassins des héros sortis de votre cerveau maladif. Vous n'avez jamais rencontré ces milliers de pieds noirs qui trimaient à longueur d'année pour des salaires de misère et qui ont du quitter en catastrophe un pays qui était aussi le leur, pour rejoindre une métropole qui les a aussitôt rejetés, ces petits blancs, ces juifs qui vivaient dans des conditions déplorables comme leurs égaux musulmans et qui se sont retrouvés un beau matin dans le froid à tous les points de vue d'un pays qui leur était parfaitement étranger bien qu'ils en possédaient souvent la nationalité.
Vous oubliez tous ces fellahs musulmans qui vivaient dans des conditions que vous ne pouvez pas imaginer, dans des mechtas glaciales l'hiver, brûlantes l'été. A travailler tous les jours pour tenter de nourrir une famille habillée de guenilles puantes qui ne pouvaient imaginer le luxe dans lequel vous vous êtes toujours vautrés.
Vous n'avez jamais eu connaissance des brimades que ce petit peuple a subies par d'un côté les autorités militaires qui devaient appliquer des plans de regroupement qui se moquaient de la personne humaine, qui devaient subir les tortures, les avanies de leurs « frères » qui exigeaient de leur part de renoncer à obéir aux ordres des troupes du quadrillage afin de pouvoir rester maîtres dans le djebel. Ils devaient endurer des tortures, oui des tortures et parfois étaient exécutés pour avoir seulement levé les yeux vers les militaires loyalistes du contingent, et leur encadrement professionnel.

Qui vous permet de revendiquer le droit à blâmer ceux qui tentaient souvent très monstrueusement d'arracher à ces « moudjahidin» auto proclamés défenseurs du peuple algérien, contre souvent des hommes profondément patriotes qui œuvraient eux-mêmes pour l'Indépendance comme Messali Hadj et qui, parce qu'ils faisaient de l'ombre à certains dirigeants FLN bien au chaud à Tunis ou au Caire, ont assassiné lâchement leurs frères de lutte qui eux refusaient souvent de se compromettre dans de lâches attentats ?
Combien d'éminents patriotes non adhérant aux thèses extrémistes du FLN ont été massacrés, émasculés et qui ont du souffrir comme jamais des humains n'ont soufferts dans ce siècle avant de mourir, simplement pour que FLN et compagnie puissent maintenant se remplir les poches grâce au gaz et au pétrole qu'une France lasse de la guerre leur laissa en héritage au moment du sauve-qui-peut général provoqué par un pouvoir méprisant les hommes qui servaient jusqu'alors sa politique imbécile et aberrante.

Voilà, simplement mon plaidoyer pour que l'on ne fustige pas seulement ceux qui étaient en première ligne, bien visibles pour effectuer le sale boulot et qui n'ont jamais été de ceux qui se sont glorifiés (à part certain borgne qui s'en est fait une carte de visite pour se faire une carrière politique) de ce qu'ils avaient dû entreprendre pour tenter de mettre fin aux exactions de ceux qui seront après juillet 1962 les maîtres du pays, lors de la bataille d'Alger.

J'irai cracher sur vos tombes, pauvres minables!

Mais, je cause, je cause et je n'ai toujours pas dit ce qui m'a amené à écrire cet ouvrage. Eh bien ! à mon tour de me justifier. Comme quoi, je fais un peu ce que je reproche à d'autres!

J'ai vécu les derniers instants de l'Algérie française ; je suis arrivé en Algérie fin 1960, soldat de métier engagé volontaire et devenu sous-officier après avoir reçu une formation d'élève Sous-officier d'active au sein de l'École d'Application de l'Infanterie de Saint-Maixent-l'École. Formation de qualité puisqu'un tiers à-peu-près de l'effectif sorti du stage a continué sa formation et terminé comme Officier supérieur de l'Armée Française.

Arrivé sur le sol nord-africain, je n'étais pas trop dépaysé étant moi-même né au Maroc...

Dans les villes, dans la campagne, j'ai retrouvé un peuple attachant, pauvre et digne comme celui que je connaissais plus à l'Ouest de l'Afrique du Nord.

Oui, je le connaissais, car dans ma jeunesse, j'avais appartenu à une troupe de Scouts de France, j'avais œuvré chez les Petits Frères des Pauvres, je m'étais occupé des plus démunis sans distinction de religion bien qu'étant moi-même dans un mouvement catholique.

De plus, avec ma patrouille, j'avais souvent parcouru le bled au cours de marches à la boussole, j'avais côtoyé les fellahs aussi pauvres qu'en Algérie, mais en paix ceux-là dans le bled profond.

Enfin, nous avions fait quelques fois des rencontres avec nos frères éclaireurs musulmans et juifs et nous participions à des feux de camp ou nous pouvions échanger nos idées sur la nature de l'homme, sur les difficultés de la vie en Afrique du Nord.

Bref, je me retrouvais en pays de connaissance.

Je vais décrire plus bas ce que fut ma période de « guerre » proprement dite, pendant le peu de temps où elle a encore eu lieu jusqu'au cessez-le-feu du 19 mars 1962.

Mais, comme le lecteur pourra le constater, pour beaucoup d'entre nous, la guerre n'était pas terminée, puisqu'un «quarteron » de jusqu'au-boutistes ont entrepris de détruire le pays par la politique de la terre brûlée, et d'empêcher l'application des accords d' Évian, avec la complicité du FLN qui voyait d'un bon œil les tueries qui empêcheraient à tout jamais que la population européenne reste sur place, ce qui lui permettra par la suite d'avoir parfaitement les mains libres pour tenir le peuple musulman en esclavage comme les gras dirigeants d'aujourd'hui peuvent encore se le permettre.

En effet, et bien entendu cela est très peu connu, pendant qu'ils ne se tiraient pas dessus, les responsables de l' OAS et du FLN se rencontraient et échangeaient des « idées » sur le devenir du pays.

J'ai donc effectué, avec d'autres soldats, la dernière patrouille de sécurité de l'Algérie Française, vous verrez dans quelles circonstances plus bas.

Déjà, nous avions connaissance d'exactions exécutées par les résistants de la dernière heure (cela ne vous rappelle pas une autre période de notre histoire par hasard ?). Des Pieds Noirs disparaissaient, des harkis étaient retrouvés avec le « sourire kabyle » (l'égorgement à vif à l'aide d'un couteau qui tranchait la gorge du supplicié d'une oreille à l'autre), des « traîtres » qui servaient dans l'armée française.

Lorsque nos responsables ont eu vent de ces exactions, il fut décidé d'aller contre les ordres du pouvoir et de tout tenter pour sauver nos frères harkis, ce qui ne fut pas facile, la gendarmerie mobile, les CRS qui nous côtoyaient avaient l'ordre d'empêcher l'embarquement des militaires algériens qui restaient fidèles à notre pays et qui risquaient d'être exécutés, eux et leurs familles.

Ainsi, je n'ai plus eu de nouvelles des éléments de la harka dans laquelle j'avais servi quelque temps. Des nouvelles contradictoires nous parvenaient, lorsque nous étions encore à Alger, puis plus rien. J'ai peur que malheureusement ils n'aient pas pu échapper aux exécuteurs de la mafia du FLN.

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