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... un Témoignage du Passant Bleu :

La dernière patrouille de l'Algérie française...

par Philippe GROULT

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Un récit autobiographique de Philippe GROULT.

Chapitre II: PÉRIODE SAINT-MAIXENT-l'ÉCOLE!

3 novembre 1960, une vraie carrière militaire

Après une nuit éprouvante en train depuis Paris sans fermer l’œil jusqu’ à l’arrêt de St Maixent, je me retrouve à Niort, puisqu’ayant dormi pendant l’arrêt de ma destination finale, j’ai manqué la gare.
Le Chef de Gare rigolard me rassure, une micheline va me ramener à mon point d’arrivée prévu par mon billet.

Une heure plus tard, je débarque dans une gare ou je suis accueilli par un monsieur en uniforme qui me pose une question que je ne comprends pas. - Il me redemande « ESOA » ? Je n’ai rien compris à sa question.
Moi qui ne comprends pas, mais qui n’ai pas envie de faire la route à pied je réponds « oui ».
Embarqué dans un 4X4 Renault, je me retrouve dans ce qui s’avérera être le quartier COIFFÉ. Accueil dans la cour (et oh ! attendez, on ne rentre pas comme ça dans les bâtiments de l’Armée, il faut montrer patte blanche, c’est-à-dire que l’on va vérifier si je figure bien sur les listes). Coût de pot, j’y figure en bonne et due forme. Je vais donc être incorporé.
Je découvre la vie militaire, je me rends compte que je suis à peu près au même état que les bidasses de la guerre 14/18 avec un paquetage invraisemblable. Une tenue kaki dite N°1, neuve, une tenue toujours kakie, mais d’occasion (qui a déjà bien servi puisqu’elle est usée de partout). Mais c’est tout ce que l’on peut m’offrir. Deux paires de brodequins cloutés , dont une neuve et une autre qui a déjà bien parcouru la moitié du tour de la terre ! Pour les accessoires, c’est encore pire, une brosse à dents qui a laissé ses poils au champ d’honneur, un short de sport que ma mère aurait jeté à la poubelle, tant la couleur, qui a été blanche, dans une autre vie, me semble plus proche de la serpillière que du matériel vendu par la marque aux trois bandes.

Le reste est à l’avenant, et pour couvrir le tout, on va nous remettre le règlement de l’Armée française, le fameux TTA 175 dont la préface a été signé par ???

Le Général PÉTAIN !!!

Je vais donc apprendre à seller un mulet, et apprendre d’autres instructions ultras modernes et ultrasecrètes !!! Tout cela est rigoureusement authentique (et nous sommes en 1960), et pour finir, on va nous affecter une arme extrêmement moderne, du dernier cri, le fusil MAS 36 avec sa baïonnette carrée fixée dans le fut !!! Au moins en arrivant en Algérie, j’aurai la chance d’être incorporé dans un régiment équipé d’armes américaines ; le fusil Garant (une arme fantastique) le FM BAR, la mitrailleuse de calibre 30, etc.… On va nous affecter un châlit dans une chambrée d’une vingtaine de places. Au moins, on va pouvoir rigoler de temps en temps. Puis c’est le temps de l’habillage, je fais connaissance avec ceux qui seront mes compagnons pendant 11 mois. Tout le monde se souvient des cours, des « tenues de campagne », des marches des démérites, des cours en salle, bref de l’instruction des futurs Sous-Officier de l’Infanterie. À mon avis, malgré les difficultés de tous ordres, une période très sympa. En fait, on nous a surtout appris la solidarité, le groupe uni, faire corps et c’est cela le principal, le reste n’étant qu’une affaire de techniques. En fait, c’était très formateur, cette façon de traiter les futurs cadres de l’Armée. Les « couilles molles », les bras cassés sont vite éliminés et le nombre d’élèves va fondre comme neige au soleil tout au long de ces 11 mois. Il ne restera que « la crème » pour devenir Sous-Officiers. Mais quelle formation, on s’en apercevra au cours de notre séjour en AFN. Nous avons appris à nous dém… et en fait nous avons pu constater que tout ce que nous avions subi, nous permettait ensuite d’être des guerriers. Nos oripeaux de gamins ? Ils sont restés à Saint Maixent. Les marches de nuit à la boussole et à la carte, les parcours du combattant (il existe toujours, nous l’avons vu en 2011 sur le terrain du « Panier Fleuri »- ce nom tiré du quartier réservé de Saigon- nommé ainsi par nos anciens de la guerre d ’Indochine). Les cours de ti, ti,ti,ta,ta,ta ; le morse, les cours de conduite en jeep dans la campagne autour de la ville, les « tenues de campagne » (je laisse à mes amis le soin d’expliquer aux jeunes ce que cela recouvre). Du sport, ce qui est normal pour des fantassins et le « Passant bleu », le signe distinctif de ceux qui ont survécu à cette marche de nuit avec une « deadline » à 6 heures du matin si je me rappelle bien, pour recevoir ce fameux insigne au premier rassemblement. En ce qui me concerne, mes compagnons ont dû me porter pour effectuer les dernières centaines de mètres, ayant été complètement asphyxiés par ce raid infernal.

Photo de la section 11 Novembre 1960lors de la 1ére Prise d'Armes

Une photo sympathique où l’on aperçoit de gauche à droite

Puis ce sont les spécialités.

La plus grande partie de la 30éme promotion va faire spécialité mortier.
Quelques petits malins, vont se retrouver dans les moteurs de half -tracks et autres engins bruyants (n’es- ce pas Jean-Claude ?) et moins de 10 rigolos vont aller au camp du Valdahon pour leur spécialisation Mines et Pièges (pines et mièges !), dont moi. La rigolade pendant un bon mois, des perm’s chaque week - end, mais c’est quand même une spécialité bien apprise de notre « Tonton la Melinite » et de son adjoint un Adjudant-Chef également du Génie.
Au cours de ce stage, nous avons simulé l’explosion d’une bombe atomique devant le Chef de l’État et toutes les huiles du Gouvernement. Exercice de pose de mines antichars. Enfin, nous avons appris à reconnaître toutes sortes de pièges dont la plupart made in Germany et à les désamorcer. Grâce à ce stage, je vais devenir un spécialiste de tous ces engins, j’irai ensuite lors de mon séjour en Algérie dans plusieurs stages de perfectionnement, qui ne me seront pas d’une grande utilité puisque le cessez -le-feu interviendra en mars 1962 !

Encore un souvenir de nos pérégrinations au quartier Coiffé : la vedette ; l’Adjudant-Chef M. qui chaque midi au rapport avant d’entrer dans le réfectoire, nous énumère les consignes du jour. Il termine en nous demandant d’entrer calmement dans le restaurant et termine en disant à chaque fois : « et si vous n’êtes pas contents, vous n’avez qu’à aller manger chez Plumeau ».
Un jour, excédés, par cette ritournelle nous décidons, de le prendre à son propre jeu et sitôt la phrase terminée, la compagnie tourne les talons et commence à s’égailler dans la cour.
L’Adjudant-Chef, interloqué demande ce que nous faisons quelqu’un lui répond : « ben mon Adjudant-Chef, on va chez Plumeau !!!
En guise de repas, nous avons eu droit à une « tenue de campagne » avec tours de piste autour de la cour d’honneur du quartier. Nous avons été guéris, mais lui aussi, il n’a plus jamais ressorti son « Plumeau ».

Photo de la section CIA été 1961

Ah,oui,aussi,nous allons nous déplacer sur le terrain de BIARD (près de Poitiers,terrain sur lequel est implanté maintenant l’aéroport), ou nous allons tirer au mortier de 81 et il me semble au LRAC (lance roquettes anti-char) de 73 mm.

Sur cette photo (de l'été 1961) qui a été largement diffusée, je ne ferai pas l’injure de citer les noms, on les reconnaît presque tous. FLAMAND (+)

1er Octobre 1961 .
J’ai fait parti des quelques ESOA qui n’ayant pas eu la note minimum au CIA de 12/20, mais ayant eu plus de 10/20, ont été nommé Sergents le 1er octobre 1961. Notre promotion (Adjudant ARPIN, mort en héros en Algérie ) n’a fait que 11 mois. Il est certain que l’armée avait un besoin urgent de cadres, il nous fallait compléter les effectifs qui étaient squelettiques (si j’en crois l’ordre de marche de mon régiment, le 2éme R.I.).

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