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Touareg
Ajjer
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En plus de cette confédération, il en existe de beaucoup plus importantes au Niger et au Soudan:
ce sont les Kel Aïr, les Kel Adrar, les Ioullemeden et les Kel Grès (400.000).
Elle comprend une dizaine de tribus sous l'autorité de Brahim ag Abakada
( 80 ans, fut un chef de rebelles dissidents, représentant en 1918 la
dernière résistance). Il
demanda l'Aman. Cela lui valu d'être nommé "Amrar
des Imrad du Tassili". Il est
de père noble Ouraren (fraction Kel Imirhou) mais de mère Toubou.
Son autorité s'étend:
- du Nord au Sud: de l'Erg Bourarhet (secteur Nord de Polignac) à la
frontière du Niger.
- d'Est en Ouest: de la frontière lybienne jusqu'à un méridien
situé à une centaine de Km à l'Ouest de Tamadjert.
Cette confédération est autonome et ne reconnait comme autorité
que celle imposée par la force, celle de la France.
Les Kel Ajjer, cousins des Kel Ahaggar, même langue (Tamahak)
et même mode de vie, diffèrent des derniers cependant par :
- la dispersion des campements,
- le métissage du type physique plus prononcé ( mélange
de races aux Ajjer).
De 1871 à 1877, hostilité entre Ajjer et Hoggar; victoire des
derniers à Tarat, trêve rompue au combat de l' Assakao en 1921.
Union entr'eux vouée à l'échec: le Hoggar se tourne vers
ln Salah et le monde arabe, ou vers Tamesna au Sud. Les Ajjer regardent plus
volontiers vers la Lybie.
Comme les autres confédérations, celle des Ajjer
est du type féodal, elle s'articule en
tribus nobles "Ihaggaren",
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tribus vassales "Imrad"
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et esclaves "Iklan".
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Sur le plan politique -la tribu noble des Ouraren a actuellement le plus d'influence.
Elle se divise en trois fractions:
- les Kel Imirhou,
- les Kel Arrikine et
- les Kel Tardja (surtout en Lybie).
Le Tobol
des Ouraren
groupe les tribus suivantes sous les ordres directs du caïd Ag Abakada
:
1) les "Kel Toberen" dont
le caïd est Hamma ag Aghammar. Elle compte 300 individus. La première
femme du caïd Brahim, Aïcha bent Ouadioussen, est de cette famille.
Les campements des K. T. possèdent 5000 palmiers et des jardins dans
l'oasis de l' Aharar où ils se regroupent au moment de la récolte.
Pendant le reste de l'année ils nomadisent au pied du Tassili, entre
Fort Gardel et Tamadjert. Quelques campements sont dans l'Adrar, à l'Est
d' Afara. Les individus de cette tribu ont le teint particulièrement
clair.
2) les " Kel Meddak" obéissent
au caïd Biska ag Hézéroudjène qui a également
sous son autorité quelques campements Izedjadjatene et Ibotanaten. Cette
tribu nomadise entre Dider et le Tafelelet, région déshéritée,
démunie de ressources jusqu'en 1956, où de nombreux Kel Meddak
s'engagent à la C.M.A. Tribu hospitalière, ils sont particulièrement
protégés par l' Amrar Brahim, car ils lui fournissaient au début
du siècle, la majeure partie des effectifs pour ses rezzous (Caïd
Biska, Djebrine ag Ahmoud, Brahim ag Mohamed ...)
La situation géographique de leurs terrains de parcours donnent aux K.M.
une importance au point de vue politique: ils commandent tous les passages qui
mènent du Tassili vers Djanet.
3) La tribu des "Idjeradjeriouene"
est très liée à la précédente. Le caïd
en est Aimar ag Abderhaman. Elle groupe ses campements et quelques tentes des
Kel Abada, dans l'oued Imirhou et dans les massifs qui dominent à l'Est
et à l'Ouest cette trouée, (Tandjet et Fadnoun).
Ils possèdent des palmiers dans l'oued Tadjeradjere, oued d'où
la tribu tire son nom.
4) La tribu des "Izeouaouaten" 100 individus) nomadise entre Fort-Polignac et Fort Tarat.
5) La tribu des "Imoquarassen" sous l'obédience de Brahim, est assez éloignée de Fort Polignac et compte de nombreux campements dont certains en Lybie, sous les ordres de Abou ag Ahmed, d'autres dans la région d'Abd en Fok avec Cheïkh ag Arab, caïd nommé par la France; les plus nombreux enfin sont dans l' Anahef avec Abégouane, leur ancien caïd.
Avant la pacification, cette tribu était en état de guerre avec les populations du Tibesti "Toubou" et les Touaregs du Niger. Les hommes de la tribu ont gardé de cette époque des rezzous, un sens inné du combat individuel, de la chasse, du tir et des grands raids méharistes.
Pour ces cinq tribus, le caïd Brahim tout en gardant le commandement effectif, a délégué certaines de ses prérogatives à
Quatre tribus Imrad : Kel Intounine~ Kel Terourit~ Kel Ohet et Kel Gharis (dite IsseKamaren), appartenaient avant la conquête au Tobol des "Taïtok" pour la première, et des "Tedjehe Hellet~~ pour les trois autres. Ces deux tribus nobles du Hoggar ayant perdu leur autorité, leurs tribus Imrad ont été rattachées, soit, aux Kel Rela pour ceux habitant le Hoggar, soit, aux Ouraren et par conséquent au caïd Brahim pour ceux habitant aux Ajjer.
1) Avec leur caïd Selika, les Kel Intounnine se déplacent entre Afara et Ifernikène.Leurs troupeaux camelin comptent de très belles bêtes issues du croisement entre chameaux Ajjer et Soudanais. Cette tribu est de loin la plus nombreuse (600 individus) et la plus riche des Ajjer. Les "tindés" des femmes Kel Intounnine sont réputés dans tout le pays
2) Les Kel Terourit et les Kel Gharis, assez peu nombreux nomadisent entre l'oued Samene et Fort Polignac.
3) Doua ag Hamma dirige les campements Kel Ohet (200 individus) établis aux Ajjer, en remplacement du caïd El Kheir ag Mohamed passé en dissidence en Lybie en 1957 avec plusieurs membres de sa tribu.
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Si les Ouraren ont une influence politique importante, l'influence
religieuse des "Imenan" (tribu chérifienne
originaire du Maroc) ne l'est pas moins. Une longue lutte
a opposé ces deux familles, les Ouraren
soutenus par le Niger et les Imenan, vaincus finalement
au 19° par le Hoggar.
Ils sont les plus fidèles adeptes de la "Senoussia", secte
religieuse violemment francophobe, dont le chef actuel est le roi Idriss de
Lybie. Le sultan "Ahmoud" des Imenan dirigea la révolte senoussiste
qui enflama les pays touaregs de Fort -Flatters à Agadès. Le fils
du sultan Ahmoud, Cheikh ag Ahmoud, réside actuellement à Djanet
et a une autorité certaine sur la population de l'oasis et sur les tribus
suivantes:
1) les "Kel Ihérir" dont le caïd
est "El Hassen", cultivent des jardins et possèdent des palmiers
à Ihérir. Cette tribu semi sédentaire garde durant l'hiver
quelques troupeaux auprès de l'oasis
2) les "Ibotamen", cousins des Kel Ihérir,
relèvent du caïd "Ghali ag Hemma". Ils possèdent
des jardins, aujourd'hui abandonnés, dans le haut de l'oued "Essendilène".
Les campements peu nombreux de cette tribu, nomadisent au pied du Tassili entre
l'Assakao et Fort Gardel.
Dernière grande famille noble des Ajjer, les "Imerassaten"
(anciens propriétaires de Tam.) sont actuellement en voie de disparition.
il ne reste que quelques campements en Lybie et un représentant à
Djanet : "Belkat", employé au Haghzen de l'Annexe.
Les "Ihadanaren" enfin, famille reconnue
noble par leurs égaux, mais n'ayant pas d'autorité sur les tribus
Imrad Ajjer, résident à Djanet avec leur caïd "Belai
ag Chibéki"; cette tribu originaire de l'Aïr est affiliée
aux Kel Hoggar.
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Si dans la conception occidentale de la société, la famille est la cellule de base, chez les Touareg il faut remplacer cette notion de famille par la notion de campement.
Un campement (Ihanan, pluriel de chen: la tente) groupe plusieurs tentes, soit
une vingtaine de personnes, sous l'autorité de l'homme le plus âgé.
Chaque ménage a une tente où couchent également les enfants
en bas âge. Les vieilles femmes, les jeunes filles, les femmes célibataires
ou séparées de leur mari, se groupent à l'écart.
Les hommes seuls quand ils sont là occupent un autre abri. Les esclaves
se débrouillent au mieux. . .
Le mot tente a été employé plus haut pour désigner
le type d'habitat des Touareg. En fait, peu de familles sont assez riches pour
s'offrir une tente. Celle-çi se compose d'un ensemble de 50 à
80 peaux de mouflon ou de chèvre, teintes en ocre rouge, cousues bord
à bord et reposant sur cinq piquets. Un paravent ou "issaber"
tressé en tiges de "morkeba",
haut d'un mètre environ et long d'une dizaine de m. est déroulé
verticalement à l'intérieur de la tente et complète le
montage.
Les familles moins aisées s'abritent dans une grotte ou sous une infractuosité
de rocher. Si le campement s'établit dans un oued, il construit des zéribas
en drinn pour la durée du
séjour.
Au campement les soucis domestiques reposent sur les femmes: elles vont chercher
l'eau et le bois, écrasent le blé, traient les chèvres,
etc... Les loisirs sont consacrés au travail du cuir, seul artisanat
connu des campements; la confection d'un sac de sel (tassoufar ou dabia) demande
une trentaine de peaux de gazelles ou moutIons et peut coûter jusqu'à
500 fr.
Les hommes, quand ils ne sont pas en déplacements pour ravitailler leur
famille, ou partis rechercher leurs chameaux, ne font pratiquement rien.
Les enfants jusqu'à neuf ou dix ans jouissent d'une liberté parfaite.
Passé cet âge, les fillettes apprennent à garder les chèvres
et les garçons s'initient aux secrets des pistes et des traces, avec
les adultes de la famille.
Plus haut nous avons parlé d'esclaves, les mots d'esclaves ou de "captifs
de tentes" peuvent choquer les oreilles européennes. Descendant
des nègres capturés par les touaregs lors de leurs rezzous au
Soudan et réduits à 1état de domestiques, ils soccupent
des travaux ménagers et de la garde des animaux. Il existait encore en
1958 dans l' « Ahanef », un nègre presque centenaire qui
avait la langue coupée; cette mutilation est une exception. Bien traités
de nos jours, les esclaves restent au campement auquel ils sont rattachés
et ne profitent pas de la protection qui leur est offerte en permanence par
l Administration Française, s'ils veulent retrouver leur liberté.
Mais il faut reconnaître que les esclaves (Iklan) sont méprisés
par les Touaregs, et seuls les hommes noirs peuvent manger avec les femmes.
Un Targui ne se dévoilera jamais devant une femme de sa race, car sa
bouche est considérée comme impure. Par contre, la bouche d'un
captif est chose insignifiante et peut se montrer.
Les noirs des campements ont souvent profité des facilités que
leur donnait le contact permanent avec les femmes de leurs maîtres. Ces
maîtres ont parfois aussi abusé du pouvoir qu'ils détenaient
sur leurs captives... Seules les femmes esclaves avaient le droit davoir
des enfants illégitimes, car ceux-ci augmentaient le nombre des domestiques
en
service dans le campement. C' est pourquoi il est de mauvaise éducation
de demander le nom du père d'un nègre!
Le Tassili des Ajjer, très arride, oblige les campements à se
déplacer pour faire subsister leurs troupeaux. S'il arrive parfois que
le maader Tarat soit inondé, il y pousse sur plusieurs centaines dhectares,
une sorte de luzerne haute dun mètre. Mais ces années d'abondance
sont rares (en moyenne une fois tous les cinq ans); c'est la seule occasion
d'un rassemblement des campements Ajjer.
En période normale, de semi-disette, les Touaregs Ajjer ne pratiquent
qu'un petit nomadisme et la tribu ne se déplace pas plus de 80 à
100 km, dune extrémité à lautre de sa zone
de nomadisation. D'ailleurs les chèvres ne peuvent supporter qu'exceptionnellement
de grands déplacements. Ces chèvres fournissent l'alimentation
de base des Touaregs Ajjer.
Le lait à lui seul constitue une nourriture qui suffit parfaitement
à tous: hommes, femmes et enfants. Avec ce lait, les femmes font une
sorte de beurre liquide (oudi) ou des fromages (tikamarine). Mais en période
de sécheresse le lait est âcre. n faut songer à remplacer
cet aliment naturel et gratuit par des dattes ou des céréales.
Les dattes viennent de Djanet, du
Fezzan ou des oasis du Tassili; pilées avec un peu de fromage sec, elles
forment un concentré très nourrissant et peu encombrant dont les
Touaregs se nourrissent quand ils ont de longues pistes à parcourir,
c'est le "tarkit".
Quant aux céréales, il s'agit du mil venant du Niger en plus grande
partie ou des jardins de Djanet, et du blé dur. Quelques campements particulièrement
pauvres récoltent les graines de drinn et de morkeba pour en faire des
galettes, et le "danoun", sorte de plante qui hésite entre
l'asperge et la pomme de terre.
La viande, plat de luxe réservé aux fêtes et aux hôtes
de marque, est fournie aussi par le troupeau caprin. Un chamelon n'est égorgé
dans les campements les plus riches que pour des occasions exeptionnelles. La
chasse fournit également un appoint appréciable: les Touaregs
Ajjer, presque tous armés de fusil de guerre (armes récupérés
lors de la retraite des italiens en 1943) sont d'exellents chasseurs et leurs
connaissances du gibier et de ses habitudes, leur science des traces, leur permet
d'approcher un mouflon ou une gazelle à moins de cinquante mètres.
Les chèvres des "Kel Oulli"
(littéralement ceux des chèvres) surnom donné aux Touaregs
non-nobles, combien sont-elles pour faire vivre la population Ajjer? Sept mille
peut-être... Une année particulièrement sèche ou
un hiver très dur comme celui de 1959 à 1960, peut faire diminuer
brutalement de moitié le cheptel des campements.
Moins sensibles au climat, les troupeaux camelin comptent environ trois mille
têtes.
Dans ce cadre du campement qui est le cadre même de la vie des Touaregs, qu'elle est la vie de l'individu? Les grandes étapes de son existence?
La naissance se passe sans aucune aide, sinon celle assez négligeable
donnée à la future mère, par les encouragements des quelques
vieilles qui l'assistent. La femme accouche accroupie sur le sable et emporte
son nouveau né dans un pan de son voile, ou dans un morceau de "tarit",
cette étoffe bleue qui, au dire des Touaregs, protège tout aussi
bien du froid que de la chaleur.
Beaucoup d'enfants meurent en bas âge, étant exposés aux
intempéries ou privés des soins qui pourraient les sauver. Autre
cause de
mortalité, l'infanticide qui se pratique encore dans le Tassili. La
femme non mariée et enceinte si elle a pu échapper à la
suveillance des matronnes du campement et dissimuler sa grossesse, accouche
en gardant ses chèvres et abandonne le nouveau-né sous un rocher.
Il est certain d'autre part, que les femmes des Ajjer connaissent des procédés
anti-conceptionnels et avortifs. On cite parmi eux: la graine de colloquinte,
lurine d'âne et le henné; sous toutes réserves quant
à leur efficacité.
Si lenfant vit il est allaité pendant deux ans. Il est à
noter que les espacements des naissances dans les familles très nombreuses,
jusqu'à dix enfants de la même mère, correspondent à
ce même laps de temps.
La jeune accouchée doit selon l'usage rester quarante jours sans voir
son mari. Au septième jour un prénom est donné à
l'enfant. Les noms touareg, qui d'ailleurs cèdent peu à peu la
place aux noms arabes, se transmettent doncle à neveu et de tante
à nièce. C'est pourquoi certains noms ne se retrouvent que dans
un seul campement.
Jusqu' à son baptême l'enfant est protégé des mauvais
esprits "Djénounns",
par un grand couteau fiché dans le sol à côté de
l'endroit où il dort. De même une femme qui a perdu en couche plusieurs
enfants, détourne les esprits, en donnant au suivant un nom de captif;
le nègre étant une personne trop insignifiante pour attirer les
mauvais sorts!
La circoncision rituelle des garçons se fait vers cinq ou six ans.
C'est une fête pour tout le campement, sauf pour la victime qui souffre
beaucoup pendant l'opération elle-même et qui faute de soins, attend
plusieurs mois la cicatrisation, avec une verge déformée et purulente.
Les chefs de pelotons ont quelquefois l'occasion de soigner ces malheureux gosses.
Une étape importante dans la vie du jeune Touareg est atteinte le jour où il reçoit le chèche pour les garçons, ou le voile pour les filles. Ils ont alors treize ou quatorze ans et terminé ou presque leur puberté. Ils peuvent à partir de ce jour participer à l'" Ahal" ou au "Tindés", réunions galantes dont on reparlera.
De grandes fêtes ont lieu à l'occasion du mariage. La coutume
veut que les 'jeunes filles", ce qui est un terme approché pour
de jeunes personnes qui perdent très tôt leur virginité,
se marient pour la première fois vers quinze ou seize ans. Les hommes
eux attendent jusqu'à vingt-cinq ou trente ans.
Les mariages consanguins sont les plus fréquents, mais comportent moins
de risques pour ce peuple assez rude que pour les européens. La femme
étant assez libre, le mariage forcé à la mode arabe, n'existe
pratiquement pas.
En dehors de l 'habillement de sa future épouse, le jeune Targui doit
offrir sept chamelles (3.500 fr), s'il épouse une jeune noble, ou une
trentaine de chèvres (1.500 fr) pour une femme Imrad. Le prix d'une esclave
est moins élevée.
La fête du mariage dure théoriquement sept jours. Les grandes réjouissances,
les débauches de couscous et de viande ne durent que deux ou trois jours.
Le tam-tam "tindé"( du nom du mortier en bois sur lequel on
tend une peau), et les danses de chameaux "ilougane" font également
partie de la fête.
Le rituel de la cérémonie même du mariage, cérémonie
qui a lieu pendant le courant de la nuit, comprend: des processions vers les
campements respectifs des deux époux, l'édification d'un lit de
sable, le montage de la tente du nouveau couple et la psalmodie de quelques
versets du Coran. Tout ceci se termine presqu'au petit jour et ne laisse que
très peu de temps aux jeunes époux pour faire plus ample connaissance...
qui préfèrent reporter "ce moment difficile", aux lendemains
moins agités. Le nouveau couple reste au moins un an dans la famille
de la femme avant de rejoindre le campement du mari.
Le Targui n'a généralement q'une femme car l'acquisition d'une
nouvelle épouse est relativement onéreux. La séparation
est admise et ne pose aucun problème, car à la différence
des usages arabes, les enfants appartiennent à la mère et sont
repris normalement en charge par le nouvel époux en cas de remariage.
Le divorce peut être demandé par l'une des deux parties. La dot
revient à l'homme, si la femme manifeste la première son mécontentemtmt
et fait savoir qu'elle veut se séparer de son mari.
En cas de divorce, la femme, pour parer à une éventuelle grossesse,
doit rester trois mois et dix jours isolée, sans sortir de sa tente.
En cas de veuvage, cet isolement est porté à quatre mois et dix
jours, sans se laver ni changer de vêtements. Cet isolement n'est que
de huit jours pour l'homme. Dans les deux cas, cette demi réclusion se
termine par une fête et un "tindé" quand il s'agit d'une
personne dont les charmes peuvent encore prétendre à d'autres
succès.
La mort neffraye pas le Targui et ses proches. Si même un sentiment
de crainte ou de douleur est ressenti, il n est pas exprimé, car
il est de trés mauvais goût aux Ajjer d'extérioriser un
quelconque sentiment surtout quand il s'agit d'affaires sérieuses.
Le mort est inhumé le jour même de son décès, dans
un suaire blanc, couché sur le côté droit, le visage tourné
vers La Mecque. Sa tombe est marquée d'un cailloux à la tête
et d'un autre aux pieds, (deux aux pieds pour les femmes). Le campement se déplace
de quelques centaines de mètres aussitôt après.
Au chapitre des distractions, que peut-on citer?
L'oisiveté d'abord et les femmes ensuite. Elles tiennent une place prépondérante
dans la société touarègue. L'oisiveté se défini
delle-même ; quand elle pèse trop, les hommes pratiquent
sur le sable avec des crottes de chameau un jeu qui ressemble aux dames. Quant
àla femme, cest l'autre distraction ou préoccupation constante
des Touaregs. Elle sait se faire remarquer aux "tindés" par
le fini de sa toilette (coiffure, bijoux) et par ses chants .
Les tindés sont des réunions musicales au cours desquelles les hommes rentrent en transes et sont relativement sérieuses. On écoute des chants qui vont de lépique au banal quotidien. On se grise de tam-tam jusqu'à l'aube.
Quant à "l' Ahal', mot très mal traduit par "cour d'amour",
il est à la limite et même au-delà des limites, que la morale
définit comme acceptables! Si encore une séance dahal navait
comme seuls témoins que les deux partenaires directement intéressés,
un voile pudique pourrait être jeté sur cette institution somme
toute assez fréquente chez d'autres peuples ; il en n' est rien : la
séance quoique nocturne est pratiquement publique. Son cérémonial
est extrêmement strict.
Prenons le cas d'un groupe de méharistes qui s'arrête le soir dans
un campement. Le repas se passe uniquement entre hommes: thé, couscous,
échange de nouvelles, occuppent tout le monde au moins jusqu'à
dix heures. Ensuite il est de bon ton et de bonne politique de se transporter
jusqu'à la tente où sont réunies toutes les femmes, d'y
échanger des propos de politesse, de repérer quelques jeunes personnes
et de se renseigner discrètement sur leur position matrimoniale. Cette
première entrevue terminée, on se sépare sans se dire "à
demain" mais "au revoir".La première formule serait interprètée
comme une incorrection et un refus à priori, de se revoir durant la nuit.
Les gens mariés regagnent leurs tentes. Les méharistes vont se
changer, se parfumer et revêtir les étoffes les plus bleues. Les
vieilles emmènent, pour les surveiller croit-on, les jeunes personnes
libres et le clan f'éminin qui loge dans une même tente et font
semblant de s'endormir. Les plus jeunes, tentées par l'aventure, ont
soin de se séparer d'un mètre ou deux des personnes d'âge
mur, pour que toute confusion sous les voiles ou sous les couvertures soit impossible.
Il est plus de minuit quand les quelques méharistes s'approchent et par
une série de compliments ou de questions parfaitement fixées par
l'usage, demandent aux jeunes fIlles d'accorder un entretien aux "fils
d'Adam misérables"qui sont à leurs pieds.
Si les jeunes filles acceptent, c'est le cas le plus général,
elles s'installent sans pudeur sur les genoux des visiteurs et se laissent caresser
plus que courtoisement jusqu'à l'aube. S'il y a plus de visiteurs que
de visitées, ce n'est pas plus gênant car les jeunes filles se
laissent aussi bien caresser par deux ou trois hommes à la fois! S'il
n'y a qu'un visiteur ou si ses camarades, las ou découragés, sont
partis, il peut tout en restant assis et ceci à proximité immédiate
des grand' mères et des tantes toujours très indulgentes, pousser
assez loin son avantage. Les cuisses de ces charmantes personnes sont très
accueillantes. Elles accordent parfois plus si elles ne craignent pas une honteuse
grossesse.
Le lendemain tout est oublié et la dignité des hommes bleus retrouvés.
Même si aucune femme n'est célibataire, il est de bon ton avant
d'aller dormir, de faire un tour près des tentes pour y laisser l'empreinte
de vos pas qui sera certainement relevée le lendemain matin. On notera
ainsi votre politesse et votre gaIanterie.
Au même chapître, précisons que les Touareg possèdent
des recettes d'aphrodisiaques masculins (guengouari) ou f'éminins très
efficaces. Le redoutable "borbor"
est une préparation à base de viande et de poils férninins.
On prétend qu'avec ce produit les femmes retiennent près d'elles
l'homme qu'elles désirent, en l'amenant à un état d'obéissance
voisin de l'abrutissement.
Pour en fmir avec la vie individuelle du Touareg, signalons que sa religion
laisse une large part au fétichisme. il n'y a qu'à voir le nombre
d'amulettes de toutes sortes dont il s' afIuble : certaines n'ont rien à
voir avec les versets du Coran!
S'ils font la prière, leur connaissance de la langue arabe est évidemment
insuffisante pour leur permettre de comprendre ce qu'ils disent. Dans beaucoup
de campements le ramadan n'est pas respecté.
Pour connaître l'avenir il préfère, au marabout de l'Islam,
les séances de divination sur les tombeaux préislamiques. Les
femmes revêtues de leur tenue de fête, se couchent sur le monument
et prétendent voir en songe les activités de l'homme de la famille
qui est en piste et le lieu exact où il se trouve. Les femmes d'Ihérir
obtiennent dit-on, un résultat analogue quand elles rentrent en transes
devant un miroir placé en face d'elles dans un lieu parfaitement obscur.
Épilogue: le peloton méhariste disparaîtra quelques jours après l'indépendance algérienne, début juillet 1962. |
...ceci est un " Témoignage
du Passant-Bleu "
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