Historique des Compagnies Méharistes |
Retour vers Chapitre 6 |
Vous êtes sur une page de
limafoxromeo
|
Suite : Suite du chapitre
7
|
L'agitation politique née de la guerre cesse avec celle-ci et dès la fin de 1918 le Sahara rentre dans l'ordre.
Seuls les confins marocains seront sillonnés de rezzous jusqu'à la pacification de l'Empire chérifien et la soumission des grandes tribus nomades. C'est à reconnaître à fond cette région (1), tout en y réprimant le brigandage que vont s'employer les compagnies sahariennes de l'ouest.
(1) En 1919, le capitaine Augiéras, réunissant toutes les données accumulées depuis 1900, publiait la première carte du Sahara occidental au 1/500.000: Cet ouvrage (couronné par l'Académie des Sciences) n'était encore qu'une esquisse, précieuse certes, mais susceptible d'améliorations.
Le groupe mobile de la Saoura, sous les ordres du lieutenant Bedel opère dans l'Oued Guix entre Igli et Méridja où les dissidents se sont montrés entreprenants.
Le mois suivant, ce groupe est en tournée dans le nord de l'Erg Er Raoui Il va abreuver à Oglet Beraber et « y trouve des traces récentes allant dans le Kem-Kem, il les suit. Le 28 avril, à une heure environ au nord-ouest de Zerzour, il trouve des campements Beraber installés au pied du Djebel Zourg qui reçoivent le détachement à coups de fusil.
« Le lieutenant attaque aussitôt les campements, met les Beraber en fuite et razzie les troupeaux, deux morts restent sur le terrain.
« Dans la nuit, les Beraber font un retour offensif et tâchent de reprendre leurs troupeaux. mais ils sont repoussés et laissent encore un mort.
.« Le groupe se retire, emmenant le butin qui très important: mille deux cents moutons et chèvres, quinze chameaux ou chamelons et quinze ânes (2) ".
(2) Auqiéras - loc. cil.
Au printemps de1919, l'Erg Iguidi n'a pas été visité depuis un an. Les pillards du Sahara occidental (Reguibat, Tekna, Beraber) sachant la compagnie du Touat occupée dans le Hoggar et celle de la Saoura retenue au Tafilalet, ne se donnaient même plus la peine de franchir à la hâte cette région naguère sillonnée par nos groupes mobiles. Des renseignements les signa- laient installés avec familles et troupeaux dans les beaux pâturages de l'Iguidi et du Hank.
Or, au début de 1919, la compagnie du Touat est libérée de sa mission dans le Sahara central. Aussitôt son groupe mobile de l'ouest reprend la route du Menakeb sous les ordres de l'adjudant-chef Cuvelier. Au mois de mai, ce dernier entreprend avec soixante-seize méharistes une grande tournée dans le sud de l'Iguidi. L'été commence; les campements insoumis ne s'attendent sûrement pas à être inquiétés. Le groupe passe par Tilemsi el Fassi et gagne Oglet Yacoub dans le Regbat de l'Iguidi. Là, il tombe sur d'innombrables traces de chameaux qui le mènent vers le Hank jusqu'au point d'eau de Chegga (pris à tort pour El Kseib).
- 85-
Le 27 mai, sans avoir été éventé, il trouve rassemblés des centaines de
chameaux, de moutons et de chèvres et de nombreuses tentes de Reguibat. Le
groupe n'est pas en force mais son audace le sauve: à toute allure, deux
sections (adjudant Benarous et
maréchal-des-logis Patureau) encerclent les troupeaux sans que
les combattants ennemis aient le temps de s'opposer à la manœuvre: deux
mille chèvres et moutons, trois cent cinquante chameaux tombent aux mains
des méharistes. Laissant les prises à la garde de quelques hommes, le
groupe s'élance à l'assaut du point d'eau.
La source de Chegga, nichée dans la falaise
du Hank, est ardemment défendue par les Reguibat qui se sont ressaisis. Il
ne faut pas moins d'une heure et demie de combat, en pleine canicule, pour
s'en emparer. Abandonnant familles et campements, l'ennemi s'enfuit en
laissant six morts sur le terrain alors que nous n'avions aucune perte.
Les femmes Reguibat signalent à l'adjudant-chef
Cuvelier que la région est peuplée de Reguibat et d' Aït Oussa.
Sans le vouloir, le groupe mobile est tombé au beau milieu de l'ennemi.
Mais il va lui falloir maintenant sortir du guêpier avec trois cent
cinquante chameaux de prise (1) que leurs propriétaires ne laisseront pas
partir sans réagir. En effet, si la nuit du 27 au 28 se passe sans
incident, la matinée qui suit est mouvementée. Très tôt le groupe mobile
est environné de nombreux dissidents qui tentent de lui couper la
retraite. Après plusieurs heures de fusillade; une manœuvre exécutée «
avec un entrain endiablé» permet de décrocher non sans avoir encore
dénombré à la jumelle six cadavres ennemis. Alors commence une pénible
retraite vers Bou Bernous: marches gardées, nuits écourtées, journées
torrides... Elle. prend fin le 3 juin au matin. Depuis le 27 mai, soit en
six jours (déduction faite de vingt-quatre heures passées à Chenachane
pour abreuver) le groupe mobile de l'ouest de la compagnie du Touat a
parcouru quatre cent trente kilomètres et livré deux rudes combats.
(1) Il ne pouvait être question d'emmener deux mille moutons.
Pendant que l'adjudant-chef Cuvelier razziait dans le Hank des campements Reguibat, un rezzou de quarante-six méharistes de cette même tribu se rendait dans l'Adrar pour s'attaquer aux campements Hoggar et Ifoghas de la région d'Arli.
Vigoureusement contre-attaqué par les partisans Hoggar et un détachement du Tidikelt aux ordres du maréchal-des-logis Kaddour ben Mohamed ben Lakhdar, il est d'abord fortement éprouvé à Akerkadat; ayant retraité vers l'est puis vers le sud, il est accroché par les partisans Taïtoq, puis par un groupe de Hoggar et d'Ifoghas qui l'anéantissent complètement: il a eu trente-deux tués. Les quatorze survivants sont faits prisonniers, quarante-six méhara et quarante-six fusils restent entre nos mains.
Après la dissolution du Commandement supérieur des Territoires sahariens (octobre 1919) le général Laperrine est appelé au commandement de la Division d'Alger (2). Au début de 1920 le commandant Vuillemin et le lieutenant Dagnaux tentent la première traversée aérienne du Sahara à bord de deux appareils venant de Paris ët spécialement équipés pour les vols de longue durée. Le général Nivelle, commandant en chef des Forces terrestres de l'Afrique du Nord a décidé d'accompagner les aviateurs mais, le 3 février, jour du départ, il est convoqué à Paris et doit: renoncer au voyage. Il désigne pour le remplacer le général Laperrine qui ne cache pas sa joie. Quelques incidents mécaniques marquent les premières étapes, Ouargla, ln Salah, Arak, Tamanrasset. Là, un seul des deux avions reste en état de marche; le Bréguet biplace de l'adjudant Bernard (mécanicien Vaslin) de la base d'Alger est choisi pour remplacer l'avion spécial en panne et prend le général Laperrine à son bord.
(2) Avant de auitter le Sahara, le général Laperrine écrivit ses fameuses « Directives de police saharienne.( 1er avril 1919) dont l'essentiel reste encore valable.
~ 86
Le 18 février, devant la petite garnison de Tamanrasset, devant Moussa ag Amastane et ses Touareg assemblés, les deux avions quittent le Hoggar pour Tin Zaouaten ou un dépôt de carburant a été préparé. Après quelques heures de vol, la différence de vitesse des appareils les sépare tandis qu'un violent vent du sud-ouest fait dériver le Bréguet vers l'est. Le général qui connaît parfaitement le pays cherche en vain à repérer l'Adrar des Ifoghas. A bout d'essence, l'adjudant Bernard pose son appareil dans un reg qui semble dur mais en touchant le sol l'avion capote, les roues enfoncées dans du sable mou. Le général écrit dans son carnet de route:
« Le 18 nous avons perdu la route dès le départ, nous n'avons pas vu un seul signal. Nous devions à mon avis être au sud-est de la route. Le commandant (1) avait l'air sûr de sa direction; nous l'avons suivi en arrière et à droite jusqu'à 11 heures 30. N'ayant plus d'essence nous avons lancé un signal de détresse T.S.F. et nous avons atterri dans un grand reg.
« On a capoté. Pilote rien. Mécanicien contusion jambe. Moi forte contusion épaule gauche, genou droit, et compression poitrine ».
L'inventaire des ressources accuse huit boîtes de conserves de trois cents grammes, vingt biscuits, deux cent cinquante grammes de chocolat et quarante-huit litres d'eau provenant du radiateur de l'avion. Le 19, les naufragés partent à la recherche d'un puits hypothétique mais le surlendemain, ayant parcouru quelques kilomètres seulement, il regagnent l'épave. Le général note d'une écriture hachée: « Le 21 à 9 heures, rentrés à l'appareil. Vannés à fond », Puis ses forces diminuent progressivement chaque jour. Son agonie est décrite en ces termes par le mécanicien Vaslin :
« Le 4 mars, le général se plaint de plus en plus et nous nous attendons à le voir mourir incessamment ; il absorbe difficilement soh chocolat. Cette journée-là est lugubre. Nous voyons des oiseaux de proie qui nous survolent et croassent: ils ont senti qu'il y aurait bientôt un mort parmi nous.
« Le 5, nous retrouvons le général à
quelques mètres de sa place habituelle. Il a la bouche pleine de sang;
nous avons le pressentiment qu'il va partir bientôt: nous nous efforçons
de lui faire prendre son chocolat mais il ne peut avaler quoi que ce soit.
« Sentant sa mort prochaine, il nous dit
quelques paroles: « Mes enfants, on croit que je connais le désert,
mais personne ne le connaît.. c'est moi qui ai fait votre malheur...
j'ai traversé dix fois le Sahara et j'y resterai la onzième fois ».
« Nous supposions qu'il allait encore tenir
un ou deux jours. Vers midi, il demande de l'eau. Je le relève et Bernard
le fait boire. Je le recouche. Vers 15 heures, je suis très occupé à
causer avec Bernard lorsque celui-ci me dit: « C'est drôle que le général
ne réclame pas à « boire ». Bernard qui en est le plus près lui touche la
jambe. Il est mort sans avoir poussé la « moindre plainte. Ceci est bien
triste pour nous. Nous nous rendions compte que notre jour est proche
aussi. Nous sommes dans un état de faiblesse extrême et, dès que nous
voulons nous mettre debout, nous sommes pris d'étourdissements et nous
sommes obligés de nous recoucher. Cependant, à la nuit tombante nous
rassemblons tout ce qui nous reste de force pour transporter notre chef
sur le plan opposé. Là, nous le couvrons avec de la toile d'avion prise
sur une des ailes ».
Pendant neuf jours encore, les deux
aviateurs se raccrochent à la vie. Ils sont près de succomber quand, le 14
mars, ils sont miraculeusement retrouvés par le peloton du lieutenant
Pruvost du Tidikelt qui avait quitté Tin Zaouaten pour aller se
ravitailler à Agadès.
Ceci se passait à quelques kilomètres au sud
d'Anesberakka entre l'Adrar et l'Aïr. Le corps du général
Laperrine fut ramené à Tamanrasset et inhumé aux côtés du Père de Foucauld.
(1) Il s'agit du Cdt Vuillemin.
Malgré les opérations menées contre eux tant sur le territoire algérien qu'en A.O.F., les Reguibat ne cessent leurs expéditions sur le Soudan. Et comme ils passent généralement hors de portée des troupes de Mauritanie, le gouverneur général de l'A.O.F. demande le concours des méharistes algériens pour surveiller leurs itinéraires habituels. Le capitaine Augiéras, commandant la compagnie de la Saoura, constitue donc une colonne de cent cinquante hommes (groupes mobiles Bedel et Bougrat, médecin aide-major Heimach) et quitte Tabelbala le 30 mars. Le groupement passe par Rhemilès, Bouir Chenine, El Rhers et Oglet Yacoub ou il arrive le 15 avril. Puis il pousse une pointe dans le Yetti et reprend la direction du nord à travers l'Ouahila. Remontant des traces anciennes de rezzou qui viennent du sud marocain, la reconnaissance traverse l'immense hamada Tounassine et arrive au pied du plateau du Dra au point d'eau de Tinfouchy. Jusqu'alors connu seulement de nom ce puits très important est situé à mi-route entre Tabelbala et Tindouf. Le détachement franchit ensuite le plateau du Dra, passe à Tizi M'Daguine, à Chefaïa et à Bou el Adam pour rentrer à Tabelbala le 8 mai. Les dernières étapes ont dû être faites très rapidement car la colonne partie depuis quarante jours n'avait emporté qu'un mois de vivres. Elle a parcouru mille deux cents kilomètres à une moyenne journalière de trente kilomètres, moyenne d'autant plus remarquable que le capitaine Augiéras avait fait un lever topographique très complet des régions encore inconnues.
Cette tournée n'était que le prélude à la liaison longtemps souhaitée avec les méharistes de Mauritanie. Le capitaine Augiéras tenace dans son idée de relier Alger à Dakar avait personnelltement obtenu en 1919 l'accord du gouverneur général de l'A.O.F. En 1920, le gouverneur général de l'Algérie agréait aussi le projet et confiait à cet officier la mission de faire la jonction. Il fut donc décidé qu'une colonne mauritanienne et une colonne algérienne, se porteraient à la rencontre l'une de l'autre et se retrouveraient 1e 25 décembre 1920 au point d'eau d'El Mzerreb du Hank connu seulement par-ouï dire. Le capitaine Augiéras devait ensuite gagner le Sénégal avec les méharistes coloniaux et faire le lever de l'itinéraire parcouru.
Le capitaine Augiéras quitta Tabelbala le ler décembre, traversa l'Iguidi et arriva à Bouboute, base avancée de l'expédition. C'est là que le détachement algérien était organisé à l'effectif de cent cinquante-quatre hommes: deux pelotons de la Saoura (capitaine Ressot et lieutenant Bougrat) , un peloton du Touat (lieutenant Gierzynski). La mission quitta Bouboute le 13 décem- bre, traversa les Eglab et abreuva à Chenachane. A partir de ce point elle entrait en région à peu près inconnue. Les guides se perdirent en allant vers El Kseib. Grâce à une observation astronomique le capitaine Augiéras pût redresser leur erreur. Le 22 décembre, une patrouille d'éclaireurs arriva à la falaise du Hank ou elle trouva au point d'eau cinq goumiers qui, devançant la colonne mauritanienne du commandant Lauzanne, s'étaient portés à la rencontre des sahariens. Le lendemain, la reconnaissance reprenait sa marche vers le sud-ouest et le jour de Noël arrivait, exacte au rendez-vous, à El Mzerreb. Le groupe commandant Lauzanne y était depuis deux jours. La jonction était faite. Les deux colonnes se portèrent ensuite par des itinéraires différents à l'extrémité sud de l'Iguidi sur le puits très important d'Aïoun Abd el Malek, qu'elles atteignirent le 28 décembre (1).
(1) Les méharistes coloniaux, arrivés les premiers au puits, y capturèrent un troupeau de chameaux razziés au Soudan par les Reguibat.
88
Ensuite le détachement algérien passé aux ordres du capitaine Ressot reprit la direction du nord et, par Touila, .El Rhers, Rhemilès, rentra à Tabelbala (24 janvier 1929).
Quant au capitaine Augiéras, il continua avec la colonne Lauzanne qui, après de graves difficultés, arriva à Atar le 19 janvier, à Saint-Louis le 3 avril et à Dakar le 5.
Cette importante liaison était le couronnement des efforts poursuivis pendant vingt ans dans le Sahara occidental par les compagnies du Touat et de la Saoura.
Un groupe de reconnaissance sous les
ordres du capitaine Pommier, commandant la
compagnie du Touat, est constitué à Tabelbala avec le groupe mobile du
Touat (lieutenant ChollatRat) et le groupe
mobile de la Saoura (lieutenant Panzani). Le lieutenant Orré, officier suédois en stage au
Touat, accompagne le détachement qui, à l'effectif de cent
cinquante-quatre fusils, quitte Tabelbala le 5 décembre 1921. La mission
de ce groupement est d'assurer la protection éloignée des azalaï de
Taoudéni. L'itinéraire choisi passe par Hassi Khettamia, Rhemilès, El
Hadiate, Mouet el Fehed, Oum -el Guedour, Oglet Yacoub. A partir de ce
dernier point, commence la région fréquentée par les rezzous mais les
traces rencontrées sont anciennes. Les hommes et les animaux s'étant bien
comportés jusque-là, le capitaine Pommier
décide de pousser vers le sud jusqu'à Aioun Abd' el Malek ou il espère
surprendre des campements, voire rencontrer un djich. Le 25 décembre,
après être passé à Touila et avoir relevé de nombreuses empreintes, il
arrive au puits mais n'y rencontre personne. Il reprend la direction du
nord par le Reg Yetti. Le 2 janvier 1922, l'avant-garde de la
reconnaissance recoupe un peu avant Touila les traces fraîches d'une
vingtaine d'hommes avec soixante chameaux, des moutons et des ânes. Le
rezzou qui a recoupé les traces aller du groupement file à toute allure
vers le nord-ouest. Un groupe léger de vingt-quatre méharistes est
aussitôt constitué sous les ordres de l'adjudant
Anglarès (du Touat) et la poursuite s'engage tandis que le reste
de la colonne suit plus lentement. Deux heures après le départ, l'adjudant
rattrape les trainards du rezzou et capture deux Beraber, un nègre, une
petite négresse, dix chameaux, des moutons et des ânes. Les prisonniers
confirment que le gros des pillards a une vingtaine d'heures d'avance; il
sera donc impossible de le rattraper avant qu'il gagne le Dra. L'adjudant
Anglarès espère s'emparer d'autres trainards et continue sa
poursuite au-delà même d'Aouinet Legra où il doit attendre la colonne. Il
est finalement obligé d'abandonner et de revenir sur ses pas. En
cinquante-deux heures, il a parcouru deux cent cinquante kilomètres dont
cent en dix heures.
La reconnaissance
Pommier rentre par Oum 'el Guedour, Bir Toub,Hassi Rhemilès et
arrive à Tabelbala le 21 janvier ayant en quarante-huit jours couvert
mille six cents kilomètres (trente- trois kilomètres de moyenne) sans
perdre un seul animal.
Au printemps 1923, une nouvelle reconnaissance est préparée sous les ordres du capitaine Ressot, commandant la compagnie de la Saoura. Elle comprend le groupe mobile de la Saoura (capitaine Le Diberder) et celui du Touat (lieutenant Panzani). Le médecin aide-major Tripeau l'accompagne. Elle quitte Tabelbala le 25 mars, passe à Bouboute, Tilemsi el Fassi et arrive à Chenachane le 7 avril. De là, elle gagne Chegga, dans le Hank, par Sbita. La région autrefois très fréquentée par les rezzous est absolument déserte; déserts aussi les environs de Touila dans le Regbat et les points d'eau d'Aouinet Legra et d'Aïn el Barka. Les ordres du capitaine Ressot lui interdisant d'aller jusqu'à Tindouf d'où il n'était qu'à deux petites étapes, il rentre par Bouboute, Rhemilès, terminant à Tabelbala le 12 mai une tournée de mille six cents kilomètres en quarante-neuf jours.
--' 89
Outre un croquis d'itinéraire: la reconnaissance rapportait des renseignements inédits sur des monuments antéislamiques de la région d'Ain el Barka (capitaine Le Diberder et docteur Tripeau) , de notes géologiques (capitaine Ressot), botaniques et zoologiques (docteur Tripeau).
Photo CROMBE
Chenachane (Dessin du Flye Sainte Marie - 1904) |
Le groupe mobile du Touat (lieutenant Panzani) patrouille dans l'Iguidi. Venant du Menakeb, il passe à Maitigat, Bouboute, découvre le point d'eau inconnu d'Oglet Diab et arrive à El Rhers le 15 octobre. Le 19, au sud d'Oglet Yacoub, il recoupe res traces vieilles de quatre ou cinq jourg; d'un rezzou de vingt-quatre méharistes venant d'Aouinet Legra et se dirigeant vers El Kseib. Malgré l'avance des pillards, le lieutenant Panzani organise un groupe de poursuite de trente hommes sous les ordres du maréchal-des-logis Hepp qui part aussitôt (19 octobre à 9 heures) suivi du reste du peloton. Hepp atteint Chegga le 20 octobre à 8 heures ayant parcouru cent vingt kilomètres en onze heures. Le soir même il est à Bou Djebiha ayant rattrapé trois jours sur le rezzou. Pendant la journée du 21 la chaleur est accablante et les traces pénètrent dans un erg tourmenté; pour comble de malheur le puits ou Hepp comptait abreuver est mort. Le 22, les hommes qui n'ont pris qu'une guerba pour ne pas s'alourdir n'ont plus une goutte d'eau et sont épuisés. Après quelques heures de repos, au début de là nuit, la poursuite reprend quand même. Le 23 aux premiers rayons du soleil, plusieurs hommes tombent de chameau, inanimés. Hepp les fait ficeler sur leur monture et repart. A 9 heures, huit hommes tombent encore; à 11heures, c'est Hepp lui-même qui s'écroule à Son tour. Sur le reg nu et brûlant dix méharistes seulement tiennent encore debout. Hepp revenu à lui, en confie le commandement au brigadier Mohamed ben Ali à qui il donne l'ordre de continuer la poursuite jusqu'au premier puits, de s'en emparer coûte que coûte et de rapporter de l'eau à ses camarades dont plusieurs sont dans le coma. A 15 heures, un méhariste offre son méhari qu'on abat. On en extrait une douzaine de litres d'un liquide fétide. « La. distribution se fait par petits verres à thé et, malgré
- 90-
« la lueur de folie qui brille dans quelques yeux, aucun acte
d'indiscipline ne se produit car, toujours, impérative et énergique, la
volonté du maréchal-des-logis Hepp domine la
situationet s'impose à ses hommes» (rapport lieutenant
Panzani).
La nuit arrive et les heures passent encore tandis que diminue l'espoir de voir revenir Mohamed ben Ali. Hepp a fait préparer un bûcher pour bruler bagages, armes et munitions. Mais vers deux heures du matin un cri retentit: « El ma! El ma! » (de l'eau, de l'eau). C'est Mohamed ben Ali et ses hommes qui arrivent au trot avec des guerbas pleines. C'est le salut.
Photo CROMBE
Oglet Yacoub dans le Regbat de l'Iguidi |
La veille, 23 octobre, vers midi, la patrouille du brigadier est arrivée au puits d'Oum el Assel qu'elle a trouvé occupé par le rezzou. Accueillis par une fusillade violente, les sahariens, décidés à tout, ont sauté à terre et foncé à la baïonnette en hurlant sur les Beraber. L'ennemi surpris par là charge abandonne tous ses bagages et fuit en désordre vers le sud. Les méharistes se désaltèrent enfin, mais bientôt, ils subissent une contre-attaque des Beraber à un contre trois. Mohamed ben Ali a la bonne idée d'utiliser son tromblon V.B. Dès la deuxième grenade, le rezzou lâche pied de nouveau et se disperse en criant: « Media! Media! » (le canon, le canon). Sa fuite est accélérée par quelques autres grenades. En cinq jours, le groupe Hepp a couvert cinq cents kilomètres. A peine rentré à Chegga le 30 octobre, il reprend avec le groupe mobile la route du Menakeb.
91
Mais le 5 novembre, non loin d'Oglet
Yacoub, le groupe Panzani rencontre
inopinément le capitaine Ressot, commandant
la compagnie de la Saoura, et le peloton du lieutenant
Bonafos qui le cherchent pour effectuer avec lui une
reconnaissance et tenter de couper la route du retour à un fort rezzou qui
a mis à mal le peloton méhariste de Tombouctou (1). Le groupement gagne
Aouinet Legra, visite pendant plusieurs jours l'immensité du Yetti et va
abreuver à Aïoun Abd el Malek. Laissant en ce point les animaux fatigués,
le capitaine Ressot et le lieutenant
Panzani, chacun avec un groupe, parcourent la région absolument
inconnue du Solb. Le groupe Panzani découvre
notamment le grand mejbed des Reguibat du Zemmour à Aïoun Abd el Malek.
De retour à Aïoun le 7 décembre, la
reconnaissance rentre parOglet y Yacoub et El Rhers ou elle se scinde pour
regagner Timimoun et Beni Abbès.
Entre Tabelbala et Beni Abbès, l'arrière
garde du capitaine Ressot est attaquée à
Teniet el Maïz (près de Foum Tlaïa) : les quatre hommes qui la composent
se sont laissés distancer par le gros et ils sont massacrés par douze
Beraber sans que la colonne en ait eu connaissance (6 janvier 1924).
(1) On ignorait encore que ce rezzou avait été sévèrement châtié par les coloniaux au lac Faguibine (soixante et onze tués. seize prisonniers, quatre cents captifs délivrés, plusieurs centaines de chameaux repris).
En mars-avril .1924, le peloton du lieutenant Pigeot (compagnie de la Saoura)
parcourt toute la vallée de la Saoura : Hassi Chaamba, le Mahjez, Bou el
Adam, Chefaïa, Erg Mghiti, Oudika, Zegdou (2), Hassi Smara et dresse une
carte détaillée de la région parcourue.
A peine rentré à Tabelbala, il repart avec
le peloton Bonafos sous les ordres du capitaine Ressot. Le groupement traverse la
Daoura et, dans la difficile région du Kem-Kem.. une patrouille commandée
par le maréchal-des-logis de Bonnault est
accueillie à coups de fusil par des campements Beraber. Une importante
razzia est faite sur les troupeaux de ces dissidents (un mort dans chaque
camp). Puis les pelotons se séparent, celui du lieutenant
Pigeot rentrant à Tabelbala avec le capitaine commandant. Un mois
après cette tournée de police, les Aït Allouane demandaient l'aman.
(2) Atteignant ce point d'eau pour la première fois.
Le lieutenant
Pigeot prend le commandement d'un important groupe mobile
(quatre-vingt- dix fusils). Le lieutenant de Sèze (3),
stagiaire de l'infanterie coloniale l'accompagne. Il quitte Tabelbala le
10 novembre, passe à Rhemilès, Bir Toub, Oglet Yacoub, atteint le Hank à
Aguelt el Khadra et le remonte vers le nord jusqu'à Chegga (9 décembre).
Au retour, la reconnaissance fait un large détour par le nord-ouest de
l'Iguidi qu'elle contourne par Oum el Guedour, Mouet el Fehed et
Tounassine, elle rentre à Tabelbala le 1er janvier 1925 avec de très
importants renseignements sur les zones de nomadisation des Reguibat.
Au cours de cette reconnaissance, le
maréchal-des-logis de Bonnault avec une quinzaine d'hommes
effectue une belle poursuite de vingt-deux heures au trot qui, du sud
d'Oglet Yacoub, l'entraîne jusque dans la région de Tindouf.
(3) Tué à Taoudenni en 1927.
Le groupe mobile Flye Sainte Marie (compagnie du Touat) nomadise dans le Menakeb depuis le mois d'octobre 1924. Le 4 janvier 1925, il quitte Mléhas à l'effectif de quatre-vingt-quatre fusils avec mission d'assurer la protection éloignée de l'axe Adrar-Ouallen en patrouillant sur la lisière occidentale de l'erg Cheche. Il passe à Chenachane (9 janvier), à Sbita (12 janvier),
~ 92 ~
essuie une violente tempête de vent glacé avant d'arriver à Bir
Mehennez. Il pousse vers l'ouest dans une région inconnue et découvre les
ruines du petit ksar de Tazadite avec des traces de cultures. Ce village
semble avoir été-abandonné à la suite de la disparition de la nappe d'eau
autrefois très proche de la surface du sol.
Le peloton rentre par Tarhmanant, Zmila,
Grizim (29 janvier), Mléhas (5 février) et rejoint Timimoun le 26 février.
Photo CROMBE
Hassi Mléhas |
affichage dans une fenêtre indépendante du croquis schématique réalisé par le Lt Pigeot : cliquez ici (69 Ko)
A la tête de la compagnie de la Saoura,
depuis 1923, le capitaine Ressot préconise
d'établir à l'ouest la base avancée des opérations contre les rezzous. Il
recommande une installation à Chegga, à El Kseib ou mieux encore à Tindouf
d'où il serait possible de surveiller d'une manière effective tout le bloc
Reguibat, Ait Oussa, Beraber.
A la conférence de Marrakech du 16 janvier
1925, les autorités marocaines et mauritaniennes (1) demandaient
l'intervention immédiate des méharistes algériens dans la région de
Tindouf. En effet, il se confirmait qu'un gros rezzou Reguibat était en
formation dans la Seguiet el Hamra ayant la Mauritanie pour objectif. Une
colonne est donc formée sous les ordres du capitaine
Ressot avec trois pelotons de la Saoura [lieutenants
Pigeot, de Labarrière et Brosset,
ce dernier stagiare de l'infanterie coloniale (2)]. Lui sont adjoints le médecin aide-major Le Carbont et le géologue
Menchikoff, chargé de mission.
(1) Depuis deux ans les Reguibat avaient
résolument pris l'offensive contre la Mauritanie et s'attaquaient, non
plus aux campements sans défense, mais aux postes militaires et aux
groupes nomades,
(2) Auteur, sous le nom de Charles
Diégo, de « Sahara ", Après la mort du général
Brosset, ce livre fut réédité avec le titre « Un homme sans
l'occident" (D. Brosset) ,
93
Pour protéger les arrières de la reconnaissance, un peloton du Touat et un goum commandés par le lieutenant de Sèze s'établissent dans la région de Tabelbala. Le groupement Ressot fort de cent cinquante hommes quitte Hassi Azrar, près de Tabelbala, le 7 avril 1925. Le 14, il atteint Tinfouchy, dernier point connu dans la direction de Tindouf. Les lieutenants Pigeot et Brosset sont chargés de lever l'itinéraire parcouru dans cette région nouvelle. Le 16, le groupement reconnaît l'erg et le puits de Zemoul ; le 20, mettant cap au sud, il franchit par un col difficile le Djebel Ouarkziz et parvient le 23 dans l'Oued el Ma à une journée de marche de Tindouf. Le 25 avril 1925 dans la matinée, il entre dans la petite oasis créée soixante-dix ans auparavant par les Tadjakant et, depuis, presque abandonnée pour cause d'insécurité. Dans le village, une quinzaine de familles Tadjakant ; la plupart des hommes sont en caravane vers Tombouctou. Deux seulement sont présents qui donnent d'importants renseignements sur les campements des Reguibat Lgouacem au sud de la Daiet el Khadra.
Une expédition sur ces campements est
immédiatement organisée; le 27 avril, avec le fils du caïd de Tindouf
comme guide, la colonne Ressot se dirige vers la Daiet el Khadra ou elle
arrive le 29. Là elle laisse sous les ordres du maréchal-des-logis
de Bonnault les méharistes dont les chameaux sont fatigués et
pousse avec une centaine d'hommes bien montés vers le sud-ouest en
direction d'Oum el Gueta où des campements Foqra sont signalés. Le 30
avril, tout le détachement largement articulé surprend d'importants
troupeaux. Les Reguibat au nombre d'une trentaine, après un court combat,
bondissent sur leurs montures et s'enfuient. Après une poursuite au grand
trot, un troupeau d'environ quatre cents chameaux est capturé. Le lieutenant
Pigeot poursuit deux heures encore les fuyards qui finalement se
dispersent. Sa pointe permet au reste de la colonne de se regrouper et de
prendre ses dispositions pour parer à une contre-attaque éventuelle des
Foqra (1).
Alourdie par ses prises, la colonne reprend
la route de Tabelbala par El Bechera, le plateau du Dra. Le 16 mai, elle
atteint la Daoura et arrive à Tabelbala dans la matinée du 19 mai après
avoir parcouru plus de mille six cents kilomètres en quarante-trois jours,
sans compter les parcours de Beni Abbès à Tabelbala et les tournées au
nord de l'Erg Er Raoui avant la reconnaissance.
Peu après, on apprenait de source sûre que
le raid de la compagnie de la Saoura avait étouffé dans l'œuf la formation
d'un gros rezzou qui devait opérer en Mauritanie.
(1) Le lieutenant Pigeot fut cité pour la vigueur de son action.
Du 24 janvier au 10 février 1926, le lieutenant Pigeot effectue une tournée dans l'Oued Daoura et pousse jusqu'à Zegdou ou il prend contact avec des Arib et des Ait Allouane. Plus à l'ouest encore, presque au coude du Dra (à Mbidia) , il fait mander le kebir des Arib, Si Mohamed ould Sidi Khalil. Bien qu'insoumis encore, le chef de tribu se rend à l'appel du lieutenant Pigeot qu'il vient saluer.
De cette tournée importante du double point de vue politique et topographique, le groupe mobile rentre le 10 février.
94
Un projet de liaison avec les méharistes de Mauritanie ayant été annulé, le lieutenant Flye Sainte Marie, commandant le groupe mobile du Touat (cent vingt-six hommes), est chargé de reconnaître la région du Hank et de faire ensuite liaison à Taoudenni avec un peloton du Tidikelt (lieutenant de la Bonninière de Beaumont). Il est accompagné du lieutenant Duleurie, stagiaire de l'infanterie coloniale. Emportant deux mois de vivre, le groupe Flye Sainte Marie quitte Oguilet Mohammed le 15 janvier 1926, patrouille dans le Menakeb, passe à Bouboute, El Rhers, Oglet Yacoub et arrive à Chegga le 12 février. De là, il longe le Hank, visite El Kseib, Daiet el Khadra et atteint Mzerreb le 15. Plusieurs patrouilles explorent le plateau du Hank et découvrent Kraouiname, El Moilhen et surtout Tamsagoute, puits important sur la piste des rezzous. La région est sillonnée de nombreuses traces qui dénotent que les pillards se croient en absolue sécurité. De Tamsagoute le groupe mobile se porte sur Terhazza (4 mars), Oum el Assel (6 mars) et arrive à Taoudenni le 10 mars. Liaison est faite le même jour avec le peloton de Beaumont qui a quitté Tessalit le 19 février. Le 12 mars, les deux reconnaissances se séparent: le lieutenant de Beaumont repart pour El Guettara et ln Dagouber, tandis que le lieutenant Flye Sainte Marie reprend la route du nord par Sbita et Terhazza. A Toufourine , le 20 mars, il trouve un convoi de vivres qu'escorte un peloton de la Saoura (lieutenant Colonna d'Ornano, stagiaire de l'infanterie coloniale). Le lieutenant Flye Sainte Marie revient par Chenachane (27 mars), Bouboute (ou il se sépare du peloton d'Ornano), Ain el Berda dans le Menakeb ( ler avril) il rentre à Timimoun le 21 avril ayant fait une des plus longues reconnaissances sahariennes (plus de trois mille kilomètres), découvert quatre puits et reconnu l'accès du dernier relai des rezzous : Agueraktem.
Mais le lieutenant Flye Sainte Marie allait bientôt se distinguer de nouveau par une poursuite restée célèbre dans les annales sahariennes.
Retour vers Chapitre 6 |
Vous êtes sur une page de
limafoxromeo
|
Suite du Chapitre 7
|