Du Mariage

Voici la retranscription de l'Acte de mariage de Colomban Lamour (Sosa 128)et de Mathurine Leuinée célébré en l'église paroissiale Saint-Sauveur à Locminé. Sa lecture offre de multiples renseignements sur les us et coutumes d'alors. Cette page essaie de les expliciter.

L’ an de grâce mil sept cent dix sept, le troisième Jour du mois de février, après la publication de trois bans, faîtes aux prônes des messes paroissiales, par trois dimanches consécutifs, scavoir les dimanches treizième, vingtième et vinseptième jours du mois de décembre dernier milsept cent seize, dispense du troisième au quatrième degré de consanguinité obtenue de messieurs les grands vicaires du honorable Chapitre de Vannes, le siège vacant,en date du neuvième jour du dit mois de décembre dernier ; signé J ;A ;de Robien,v,g : et plus bas, de mandat°-praefati des vicarii generalis D- Ji Colomb prosecr :Insinuée au greffe des Insinuations Ecclésiastiques, e controllée à Vannes, le même jour neuvième du sus dit mois de décembre dernier,signé Allano , laquelle dispense est demeurée entre mes mains ; ne s’étant touvé aucun autre empêchement ; Je soussigné Curé de Locminé ayant Interrogé Colomban Lamour agé d’environ vingt ans, fils de Guillaume Lamour , et de Olive Denis et Mathurine Leuiné,agée de vingt et deux ans ,fille de Louis Leuiné et de Jeanne Mandart, tous deux de ctte paroisse, et receu leur mutuel consentement les ai solennellement mariés par paroles de présent. En présence des dits pères et mères des dits époux et épouse, et ai ensuite célébrée la Ste[ messe] en laquelle je leur ai donné la bénédiction nuptiale selon la forme et cérémonies observées par notre Mère la Ste Eglise. Ont été témoins patern mandart Jan et Julien Leviné yvonne gillet et le pierre Lorence, Et ont les dits Epoux et témoins déclaré ne scavoir Signer. Pépon curé.

 

Les termes en italiques méritent une explication.

J'ai déjà précisé,sur la fiche consacrée à l'état-civil, le rôle clef de l'Eglise dans la civilisation européenne.En particulier dans les règles de comportement et de l'intégration dans la société civile, quelque soit l'Etat, royaume, principauté, république, en particulier entre les 16° et 18° Siècles, l' Église romaine fait la loi, par l'intermédiaire du "droit canon".

D’après la législation canonique, il y a des conditions qui empêchent le mariage d’être valide, et d’autres qui empêchent qu’il soit permis. Les premières sont appelées empêchements dirimants, les secondes empêchements prohibitifs. Parmi les empêchements dirimants on peut signaler les vices du consentement ou les incapacités physiques qui empêchent les époux d’accomplir leur devoir : impuissance (mais non stérilité), erreur sur l’identité de la personne, crainte et violence, rapt, condition contraire à l’une des propriétés essentielles du mariage. Il faut ajouter la parenté naturelle,(jusqu’au 3° degré), l’affinité ( jusqu’au 2° degré), la parenté spirituelle( qui existe entre parrain et filleule, entre baptiseur et baptisé) ; le lien ( c’est à dire l’existence d’un mariage antérieur) ; les voeux solennels du sous-diaconat et de la profession religieuse. Les empêchements prohibitifs sont le voeu simple et la différence de culte.
Lorsque le mariage a été validement reçu il ne peut être rompu par aucune sentence humaine, soit civile, soit ecclésiastique : l’Eglise , par ses tribunaux ecclésiastiques ne prononce au mieux que des déclarations de nullité, reconnaissant que le contrat matrimonial n’a jamais existé

publications de 3 bans. Il faut assurer la publicité du projet de mariage auprès des autres personnes adultes, à trois reprises , en face de l'assemblée [ ban ] des paroissiens , en leur demandant de faire connaître à l'autorité [ écclésiastique ] tout empêchement, Dans le déroulement de la messe (réunion des paroissiens pour céléber le mystère de l'eucharistie)il est prévu une séquence de discours, qui s'appelle le prône : elles comprend le sermon, ou 'homélie , proclamé par le prédicateur, le missionnaire qui s'est réservé les commentaires ou injonctions de nature religieuse, et les annonces. Cette dernière partie est assurée par un des prêtres de la paroisse, et a pour objet de faire connâitre la vie de la paroisse, les évènements civilo-religieux : baptêmes (Naissances) fiançailles, projets de mariages, mariages et sépultures (avis de décès) . Ces avis de projets de mariages doivent être espacés dans le temps ( trois semaines, au moins), et avoir lieu dans les deux paroisses d'origine, voire de résidence, des deux futurs. A la révolution, qui récupère les règles administratives pour l'état-civil, les bans sont faits devant la maison commune, puis ils seront placardés. Qu'en est-il aujourd'hui?

dispense . L'Église catholique interdisait les mariages consanguins, c'est à dire entre époux ayant un ancêtre commun, jusqu'au 6ème degré. En droit canonique (droit religieux), on calcule les degrés en comptant le nombre de générations jusqu'à l'ancêtre commun.Cependant, une demande a été déposée au greffe du tribunal compétent, ici , elle est

insinuée au greffe du tribunal religieux de Vannes, dirigé par l'évêque.[ En l'occurence, le siège vacant signifie que le nouvel évêque n'a pas encore eté nommé par le Pape, et c'est donc le suppléant, à savoir le vicaire général, (premier adjoint, sorte de chef de cabinet , et proche collaborateur de l'ancien évêque) qui préside.]. Cette demande est donc examinée, ce qui entraîne des frais ... largement couverts par la rémunération qui l'accompagne. Encore heureux que les futurs époux ne soient pas cousins germains (2° degré), voire oncle et nièce(1er degré), car dans ce cas, il faut s'adresser...à Rome, ce qui augmente le prix. L'Entraide Généalogique Bretagne Maine Normandie   propose en ligne les archives du greffe du diocèse de Bayeux aux internautes . Le service est gratuit.

Les mariages consanguins de degré inférieur au 5° étaient entachés de nullité si on découvrait la consanguinité après la célébration. Il est ainsi possible de trouver le mariage des mêmes personnes enregistré 2 fois à quelques mois d'intervalle, intervalle utilisé pour insinuer une demande de dispense...

En droit civil (droit de l'État), on compte les degrés de consanguinité différemment. En partant d'un des (futurs) époux on remonte jusqu'à l'ancêtre commun puis on redescend jusqu'à l'autre époux en comptant le nombre de générations traversées.

Dans une société où la mobilité géographique n'était pas très importante, le nombre des mariages plus ou moins consanguins était forcément relativement important . Personnellement, je les trouve fréquemment dans les populations isolées, au sens latin : sur une île, même s'il s'agit de Belle-Ile, quasiment obligée de pratiquer l'endogamie, mais également en population rurale, comme en témoigne l'acte cité. Les individus qui interviennent ainsi plusieurs fois dans ma généalogie apparaissent à partir de la 10° génération, et je compte ainsi 70 cas d'implexe pour 590 ancêtres identifiés fin 2002.

par paroles de présent. Cette formule employée par les rédacteurs des actes de mariage, au début du XVII° , est une réminiscence.Bien que l’Eglise intervint pour donner la bénédiction nuptiale, le mariage fut d’abord formé par le consentement des parties. En droit strict, il n’était besoin ni de la bénédiction nuptiale, ni même de la présence du prêtre. Le Concile de Trente, puis l’ordonnance de Blois de 1579 rendirent cette bénédiction nécessaire. Les fiançailles par paroles de présents , qui constituaient de véritables mariages clandestins ne furent plus valables . L’ordonnance de 1697 renouvela celle de 1579 et frappa de nullité toute union consacrée hors de la présence du curé. Au début du XX° siècle, la règle était la suivante: les fiançailles, dans le droit canonique de l’Eglise latine, n’ont de valeur juridique que lorsqu’elles sont constatées par un écrit signé des deux parties et du curé ou de deux témoins. Mais leur rupture ne peut donner lieu qu’à une réparation de dommages._ L’Eglise grecque regarde comme adultère celui qui épouse une jeune fille déjà fiancée à un autre, si ce dernier est encore vivant. Qu'en est-il aujourdhui?

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