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Derniers jours à Alger.  

Derniers jours à Alger.
Je rejoins Alger par le train et je suis bien conscient que je n’y reviendrai sans doute plus jamais. Par ailleurs, le souvenir de la traversée maritime de septembre 1961 étant excellent, au centre de transit, j’accepte de suite la proposition de traversée par voie maritime. L’embarquement est fixé au surlendemain, en fin d’après-midi. Je me mets en quête d’un hôtel : l’hôtel d’Angleterre où je suis déjà descendu est complet et finalement, ce sera une chambre sur le front de mer. Au bureau de garnison, un conseil très appuyé m’est donné : rester en tenue, cela est la meilleure protection contre l’insécurité qui peut régner en ville. Les jeunes autorités algériennes veulent démontrer qu’elles contrôlent la situation et se montrent très fermes pour éviter tout incident avec l’Armée Française et ses personnels. Je reste donc en tenue bleue : « tarte », blouson , pantalon à passepoil jonquille.
En consultant la presse locale, je vois qu’un film intéressant passe au cinéma des facultés, boulevard Michelet. Ce sera là que je verrai en matinée, « Le Jour le plus long ». En m’y rendant à pied, je suis interpellé par un Algérien d’une quarantaine d’année : me tendant un billet de dix francs, il me demande d’entrer dans le bar pour lui acheter une bière car il est désormais interdit de vendre de la bière aux musulmans,... Je lui réponds que l’on ne me la vendra pas pour l’emporter... C’est beau l’indépendance ! ...Dans la salle de cinéma il n’y a vraiment pas grand monde, mais je suis content d’avoir vu ce film : au cours de ma permission de l’été dernier, j’ai acquis un exemplaire de l’ouvrage de Cornélius Ryan(voir note 52) dont le film est la fidèle illustration.
Au retour, je redescends directement vers le boulevard qui surplombe le port, mais la rue assez large que j’emprunte n’est guère fréquentée. Les larges trottoirs sont vides et les commerces inexistants. Seuls, quelques gosses s’approchent de moi pour me demander des cigarettes... ce que je refuse. Ils insistent mais finalement détalent en courant vers le carrefour précédent. Pris d’un doute, je passe machinalement ma main sur le blouson pour vérifier le contenu de mes poches. Colère : le rabat d’une poche extérieure est relevé. Pour une fois que j’y place mon portefeuille ! argent, papiers, billet de bateau... tout était dans ce portefeuille. Je fais de suite demi-tour et cours en remontant jusqu’au carrefour précédent et à quelques mètres sur le trottoir de droite vois les gamins qui m’ont abordé pour les cigarettes. L’un d’eux a mon portefeuille dans une main, et de l’autre en sort les billets. Je bondis vers le groupe qui détale, tel une volée de moineau, en balançant le portefeuille au sol. J’attrape le moins rapide tout en ayant crié « au voleur ». Dans cette rue, il y a quelques passants, tous algériens musulmans. Je tiens fermement le jeune complice qui cherche à se disculper et après lui avoir fait ramasser le portefeuille je lui fais savoir, à voix haute, que je vais le conduire au poste de police le plus proche. Le gamin hurle mais je ne le lâche pas. Un attroupement s’est formé autour de nous : l’un des musulmans me demande ce qui se passe. Quand je lui précise que j’ai bien récupéré le portefeuille volé, mais que l’argent est parti dans les mains d’un autre gamin, il me dit d’attendre quelques instants avant de m’adresser à la police... Une conversation en arabe s’engage alors avec ma « prise ». Et quelques instants plus tard, un adulte qui est parti à la recherche du jeune voleur, revient, me tend une liasse de billets et me demande de vérifier si le compte y est...J’ai tout récupéré et remercie le groupe d’adultes, en leur laissant le soin de régler l’affaire avec les jeunes...
Le lendemain matin, avant de quitter l’hôtel , je profite une dernière fois de la vue sur le port pour prendre quelques clichés.

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