Chez LADOGA BLANC
PC KARA : LA BOUGEOTTE
Fort-National  

Mi-Octobre.

Le lendemain, je rejoins seul Tizi-Ouzou et y apprends que les mouvements n’ont pas cessé : la 27° Division Alpine a pratiquement quitté la Grande Kabylie, et il ne reste encore que le 6° B.C.A. regroupé à Fort-Napoléon, pardon , Fort-National. Cette fois, j’attends de pouvoir y monter en convoi-stop.
Le bataillon est réparti dans toute la citadelle, et la compagnie occupe les anciens cantonnements des familles des cadres, au-delà d’une zone boisée qui les isole des casernes, où logeait la troupe,... et en octobre 1961, le reste du bataillon. Les logements sont constitués de plusieurs constructions parallèles à un étage, découpées en appartements de quelques pièces disposées autour d’un couloir dont la porte extérieure surplombe quelques marches. C’est assez sympathique, surtout pour un séjour d’environ trois semaines : le bataillon prépare son retour sur Grenoble avant la mi-novembre ! Le capitaine sait que je ne partirai sans doute pas avec eux, compte tenu de mon temps de séjour, et en conséquence, il me confie comme tâche de renforcer le fourrier de l’unité, en mettant à jour la comptabilité des matériels. Cela me sera utile plus tard. Je surveillerai aussi la liquidation de la popote. Et je conduirai les séances de sport du matin ! « Ben voyons, quand on sort de stage ou d ‘école, il est parfois bon de reprendre contact avec la réalité quotidienne et les servitudes du Corps de Troupe. » Cet argument me sera resservi dix ans plus tard, à un autre niveau. Mais à chaque fois, je n’ai eu qu’à me réjouir de ces expériences concrètes. N’est-ce pas le sens de ma démarche initiale ? J’en remercie donc mes supérieurs.
De cette période au cours de laquelle je retrouve la majorité des camarades de la ballade en montagne d’août dernier, je me souviens d’une anecdote. Le serveur de la popote partageait une chambre avec un caporal du groupe mortier, un colosse, choisi pour ses capacités à porter un des trois fardeaux de quinze à vingt kilos de cette arme. Comme beaucoup, il portait le crâne rasé, mais une moustache à la Taras-Boulba achevait de poser le personnage. Le serveur, originaire de la Côte d’Azur était d’un tout autre style : voix fluette, maniéré, un peu « chochotte ». Un jour, l’un des sergents l’interpella pour lui demander à qui appartenait le petit sous-vêtement léger qui séchait en travers de la fenêtre de la chambre de ce dernier : « _au caporal B ou à toi ? » Quand il répondit en souriant de sa voix fluette « _ à moi bien sûr, le caporal ne pourrait pas y rentrer », ce fut un éclat de rire général et quelques uns lui dirent quand même de ne pas exciter la libido de Taras-Boulba...
Ayant enfin reçu les éléments de mon compte bancaire et un chéquier, je peux désormais m’intéresser aux publicités ciblées qui inondent les magazines militaires. Les commandes en France à livrer en Secteur Postal sont exonérées de taxes, ce qui permet à des commerçants de toucher le jackpot par la vente massive d’appareils photos 24x36. Pratiquement tous les gradés appelés ont ainsi commandé leur appareil photo, parfois à plusieurs reprises pour équiper leurs frères et soeurs. L’autre matériel qui se vend bien est le transistor ! Chaque soldat, dès qu’il le peut, en achète un : c’est le lien avec la vie civile, et une fois en France, il recevra davantage de stations. J’en ai bien un, un Pigmy de poche, mais il ne capte plus d’émission. Je commande donc l’appareil que me vantent de nombreux jeunes sous-officiers et que j’ai pu personnellement apprécier, lors du séjour au camp Morillon. Les délais feront que je quitterai Fort-National vers le 10 novembre, sans l’avoir reçu.
Le 6° B.C.A.quittera Fort-National le 11 Novembre 1962 (voir note 75).

L'ordre du jour du général Le RAY commandant la 27° D.I.A. est en annexe 13
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