limafoxromeo et la création de Carnac-Plage

Un Arrière grand-oncle entrepreneur et Carnac-Plage

Ci-après la copie d'un article extrait du quotidien du soir" La Liberté du Morbihan " .
Ce fleuron de la presse morbihannaise pendant dans des décennies, qui, une fois racheté par le groupe Hersant en 1965, disparut du paysage morbihannais en 1976. Les annotations sont de limafoxromeo.


" La Liberté du Morbihan " du 7 décembre 1972........... page AURAY

Il y a 73 ans : deux hommes se rencontraient dans le bateau de Belle-Ile. Le résultat : CARNAC-PLAGE
Carnac 1900... 1910... C'était l'époque où la station balnéaire, aujourd'hui célèbre dans le monde entier, commençait à faire parler d'elle. Il nous reste de ce temps-là quelques cartes postales. A vrai dire, ces images font rêver. On ne s'y retrouve guère avec le Carnac d'aujourd'hui.
Or, ces images elles-mêmes contrastent déjà singulièrement avec celles qu'on aurait pu capter voici deux siècles, si l'art de la photographie avait été connu. Les cartes postales 1900-1910 nous montrent quelques constructions, des routes tracées parmi des champs et des prés, alors qu'un temps fut où tout cela n'était que" terrains vains et vagues" . Car c'est ainsi que l'on désignait au XVIIIe siècle l'espace nu, ensablé ici, marécageux là où s'est édifié Carnac-Plage.

Ci-dessous, un extrait de la carte de Cassini dont les levés topographiques datent de 1787 (Source BNF.Gallica)


Il parait bon de rappeler succinctement les étapes de cette exemplaire évolution.

Les terrains vains et vagues de 1739.

17 JUILLET 1739 : Le Roi, par arrêt du Conseil, ordonne l'adjudication de divers terrains "vains et vagues" à son Altesse Sérénissime le Duc de Penthièvre. La propriété s'agrandit par l'adjonction de paluds non sans susciter les protestations des riverains. Pour eux, ces terrains que vient recouvrir la mer sont du domaine commun et ne peuvent être attribués à des particuliers. Des procès s'ensuivent. Laissons faire le temps.


15 DÉCEMBRE 1839
._ La propriété est acquise par M. Charles Armand de Keranflec'h. L'état des lieux décrit une dune de sable de 1800 m de long sur 100 de large, avec aux extrémités Est et Ouest deux étiers au niveau desquels M. de Keranflec'h a dressé deux barrages. De plus, il plante sur la falaise un jonc, le gourbet, [un des noms vernaculaires de l'oyat]qu'on ne trouve nulle part dans la contrée, pour retenir les sables que la mer enlevait. Un peu plus tard, après avoir fait face à un nouveau procès, le propriétaire obtenait la concession de plusieurs points de domaine maritime afin de pouvoir l'enclore et établir de nouveaux travaux de défense contre la mer à la condition pour lui de construire un pont, deux brise-lames, un chemin de huit mètres de large et un port.[ai tracé la zone de la ferme du palud, à priori]
En sept ans, Mr de Keranflec'h aura réalisé des travaux considérable. De ces terrains vains et vagues, de ces paluds, il aura fait des parcs à huîtres, des salines, un port avec maison de garde. Au sujet de cette propriété, on a pu dire qu'il l'a retirée à la mer...
Le détail et l'importance des travaux, et jusqu'à la mise en valeur de la plage " une des plus belles, disait-il, que l'on puisse trouver pour s'y baigner " permettent de le considérer comme un précurseur.


Une situation longtemps floue.


8 FÉVRIER 1847 -Mort de Charles de Keranflec'h. Ses héritiers tentent de vendre la propriété au prix de 900.000 francs. Mais qui dispose d'une telle somme ? La situation reste floue pendant dix-sept ans.


1er JUIN 1864 - La Propriété que l'on appelle La Ferme du Palud est saisie et le dix décembre suivant, elle est adjugée par le Tribunal de Lorient sur surenchère du sixième à M. Jules Adrien Gy pour la somme de... 45.100 francs!


2 JANVIER 1897 - Mort de M. Jules Adrien Gy. Que va-t-i1 se passer?



La Rencontre d un Ingénieur Bellilois et d'un homme d' affaires parisien.

C'est alors que se produit un événement qui va décider de l'avenir. Cet événement, c'est la rencontre de deux hommes sur le bateau de Belle-Île-en-Mer. L'un est un jeune ingénieur bellilois, Désiré Jamet, bien connu déjà dans la région pour son tempérament entreprenant. L'autre est un homme d'affaires parisien, M. Payot. Celui-ci revient de Belle-Île où il pensait très sérieusement construire un chemin de fer pour desservir l'île dans toute sa longueur.
L'idée de ce " Trans-bellilois " fit sourire Désiré JAMET,.
_ "Il y a beaucoup mieux à faire ", dit-il. Et il entretient son homme d'un autre train possible, qui relierait la Trinité-sur-Mer à Etel, en passant à Carnac que l'on commencerait ainsi à mettre en valeur.
Mr Payot est séduit. Le train sera fait, ( cf. la page sur "les cheminots de limafoxromeo" ) mais l'on va s'intéresser aussi à Carnac. Les deux hommes obtiennent le 26 février 1899 une promesse de vente en ce qui concerne l'ensemble de la Ferme du Palud.


Carnac-Plage est née le 28 novembre 1899.

Le 28 novembre 1899, ils constituaient par devant M° Marquet , notaire, la Société Anonyme de Carnac-Plage. Retenons la date, elle est bien celle de la naissance de Carnac-Plage dont le nom est prononcé pour la première fois. Naissance confirmée dès le lendemain par l'acquisition de la Ferme du Palud en bonne et due forme, chez le même notaire, en même temps que se constitue une autre société dite du " Tramway Trinité-sur-Mer - Étel "[voir fiche sur les cheminots de limafoxromeo ]
La jeune société va s'impliquer avec enthousiasme malgré les sarcasmes, malgré des oppositions dont celle de la municipalité, à faire de cet ancien désert la splendide zone résidentielle qu'elle est devenue aujourd'hui. Il serait utile d'insister sur la manière patiente dont elle a su faire pousser des arbres d'essences variées sur une zone aussi ingrate que l'est aujourd'hui celle d'Erdeven. La société prit même l'initiative d'un service d'eau potable, grâce à quoi Carnac-Plage devait être reconnue station climatique en 1934.

La main de l'homme a créé le " Midi Breton ".

Il y aurait bien d'autres choses à dire sur cette entreprise menée avec intelligence et avec foi. L'histoire en a été contée avec ferveur par le Docteur Etienne Saint-Martin qui fut séduit par les lieux et qui décidait d'y établir une clinique. Ce praticien de regrettée mémoire (**)a été heureux de souligner comment la main de l'homme quand elle est bien guidée pouvait même contribuer à la création d'un microclimat, avec tous les avantages qui peuvent en découler pour la santé des hommes et l'agrément du site. C'est une théorie qui lui était chère.
Il a conté cette histoire dans une communication captivante faite aux " Annales d'hydrologie et de climatologie ".
En transformant la flore locale, écrivait-Il, l'homme a créé le " Midi Breton ". Par la même occasion, il rendait un hommage mérité aux initiateurs de l'œuvre qui surent faire face à une opposition tenace et aux offensives des railleurs.
-" Vous feriez aussi bien de jeter vos graines dans la baie! " leur criait-on en les voyant planter
Ils ne se contentèrent pas de planter. Ils ont construit et incité à construire.
On vit apparaître le Grand Hôtel, une clinique, des villas. Elles n'étaient encore qu'une quarantaine en1920... On sait la suite.


Si la construction des Abbayes Bénédictines de Kergonan n'avait pas été arrêtée...

Revenons au cas de Désiré Jamet. Il ne se serait peut-être pas intéressé en 1899 au cas de Carnac, s'il ne s'était produit un autre événement qui voit contrarié[sic] son grand projet du moment.
On lui avait confié depuis mai 1897 la construction des deux abbayes de Kergonan, près de Plouharnel : celle de Saint-Michel pour les Bénédictines, celle de Saint-Anne pour les Bénédictins. Les travaux avaient été bien engagés. On jugea bon de les interrompre lorsque se précisa la menace d'une spoliation des biens des congrégations.
On sait que peu après, les religieux durent s'exiler. Une des religieuses, lors du départ, fit ses adieux en ces termes: " Nous ne reviendrons sans doute pas avant qu'il n'y ait une guerre".
Cette guerre fut celle de 14-18. Ensuite, l'état des esprits n'était plus le même. Bénédictins et Bénédictines ont pu revenir et parachever l'œuvre commencée en 1897.


Deux frères au tempérament entreprenant.


Il est bon de préciser ici que Désiré Jamet [l'oncle Désiré ; je ne l'ai pas connu] avait un frère, prénommé Ange.
S'il n'avait pas le diplôme d'ingénieur, il n'en était pas moins un technicien de grand mérite. Il fut l'indispensable adjoint de son frère dans ses multiples entreprises, le fignoleur, le finisseur par excellence, pas seulement un technicien du bâtiment et des travaux publics. Il montrait à tout une aptitude exceptionnelle.
Par la suite, tandis que Désiré marquait de son empreinte bien d'autres réalisations dans notre région, comme la cité ouvrière des Forges d'Hennebont dotée d'un confort estimé alors "d'avant-garde ", Ange se vit confier la garde de l'Abbaye des Bénédictines pendant leur exil. Par une chance unique, due croit-on à des protections puissantes, elle ne fut pas spoliée. Ange Jamet entretint les bâtiments, le très beau parc et aussi la ferme qu'il géra en agriculteur avisé.
Plus tard, quand i1 se fut retiré à Plouharnel, il demeura le conseiller des religieuses. Il leur fut encore d'un grand service pendant les circonstances douloureuses de la dernière guerre.
Le souvenir des deux frères ne s'est pas perdu dans une région où i1s ont manifesté une longue et fructueuse activité. Ils y ont encore de la famille. Mme Guégano dont l'imprimerie d'Auray est bien connue, est une fille d' Ange Jamet, lequel est décédé en 1954. Quant à Désiré Jamet, celui qui, avec un homme d'affaires parisien, a conçu et lancé Carnac-Plage, il s'était finalement retiré à Vannes où il est mort après la dernière guerre.

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Texte de Mr. Pierre MADEC, correspondant de "La Liberté du Morbihan", dont les locaux alréens s'installèrent en 1955, en lieu et place de l'épicerie familiale, 12 place de la République.

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(**) A cette clinique, située Avenue des Druides, dans les années cinquante, mon frère Jean-Pierre s'est fait enlever à plusieurs reprises des hameçons qu'il venait de se planter dans la chair du pouce, du bras ou du ventre…
Sur le Boulevard de la Plage, entre l'Allée des Menhirs et celle des Aligenments , la villa de Grand-mère, était voisine de celle du Docteur Saint-Martin. En façade de cette dernière, à l'étage, une véranda dans laquelle se balançait un singe. A l'arrière, le jardin se prolongeait par un cours de tennis privé en terre battue, également accessible depuis la placette au kiosque recouvert de chaume. C'est sur ce cours que se déroulait vers le 15 août, la finale du Tournoi de Carnac-Plage .

Clin d'oeil : Remerciements à Catherine et Dolorès pour la transmission de la mise en page initiale de cette page

 

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