Le document ci-dessous est la retranscription d'un article publié dans la revue « Les cahiers des troupes de montagne » en 2002,
 peu avant la réunion de l'association du PASSANT BLEU 30° Promotion ESOA de Saint-Maixent l'École (1960-1961) à Chamonix.
Au nom de tous mes camarades PASSANT BLEU, je remercie son auteur, Michel Tschudnowsky, colonel honoraire.
Un clic sur une image de "coccinelle" affiche un commentaire de Limafox, auteur de cette présentation.

photo d'identité de l'adjudant Marcel Arpin

De la cuvette de DIEN BIEN PHU

aux crêtes du DJURDJURA

le bref parcours d'un soldat...



L'adjudant Marcel Arpin tombait en Grande Kabylie, le 20 novembre 1960, d'une décharge en plein front, à l'âge de 29 ans.
 Figure emblématique de la campagne du 6° B.C.A. en Algérie, il donna son nom à deux promotions d'Élèves Sous-Officiers d'Active:
L'une de Saint-Maixent en 1961(pour en savoir plus ouvrir l'étiquette PASSANT BLEU du nouveau portail),
l'autre de Montpellier en 1980.
Promu adjudant et fait chevalier dans l'ordre de la Légion d'Honneur en 1959.

 
Remise de la Légion d'Honneur à Marcel Arpin carte petit format
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Élevé à Chamonix par des parents d'adoption, est appelé puis s'engage au 6° B.C.A.dans les Alpes lien vers note de LimafoxNommé sergent, il est à sa demande muté en Indochine en 1953. lien vers note de Limafox
 Affecté au RTM lien vers note de Limafox, il est rapidement blessé et cité à l'ordre du Corps d'Armée ; à peine rétabli, il se porte volontaire pour sauter, sans formation préalable, sur Diên Biên Phu, avec les parachutages du dernier recours (1954). Dans la cuvette et sur les collines avoisinantes, il reçoit plusieurs blessures et 2 citations . Grand blessé, grabataire, prisonnier des Viets, bien traité compte tenu des possibilités matérielles, il est évacué, par de mauvais camions sur d'effroyables pistes...puis in fine rapatrié via San Francisco par les Services Sanitaires de l'Armée Américaine.
 
Remis sur pied et de plus en plus « volontaire », il est réaffecté au 6° B.C.A. et arrive en Grande Kabylie en 1956. lien vers note de LimafoxIl va alors entamer une série de faits d'armes exceptionnels.
Il manifestait, au combat, l'intelligence spontanée des situations ; d'un courage au-delà du courage, il y apportait avec sang-froid des solutions d'une audace extrême, assumant personnellement l'essentiel des risques. Il devint alors une véritable figure:
chef de section vénéré, subordonné contributif au plus haut degré, camarade attachant, il cachait mal une véritable générosité et son infinie pudeur le poussait parfois au cynisme apparent et à des jugements sans compromission.
Il avait le geste élégant, l'attitude réservée, séduisant sans le rechercher, mais il demeurait toujours quelque peu énigmatique.
 Profondémént attaché à la 3e Cie du 6e BCA avec laquelle il avait vécu drames et aventures. Cette compagnie, après 2 années d'une quasi-invulnérabilité devait dans les 3 premiers mois de 1958 subir au cours de 5 accrochages différents, des pertes douloureuses : 3 morts dont 1 chef de section, 6 blessés graves dont 2 chefs de section, 4 blessés légers dont 2 chefs de section. La fin de journée du 25 février 1958 devait être particulièrement dramatique...
Une page de souvenirs... par celui qui était en 1958, le Sous-Lieutenant Jean Pfauvadel :

       Le 25 février 1958, à 16 h 00 , la 3e Cie du 6°BCA arrivait à la cote 1918, au sud du col de Tirourda. La forêt des Aït Ouabane s'arrêtait à quelques centaines de mètres du sommet ; la Cie marchait depuis la veille 22 h 00, et avait effectué 2000m. de dénivelé. Nous avions accompli la dernière heure de marche à très vive allure pour tenter d'arriver à la crête avant l'adversaire. Embusqué dans les souches des cèdres, en lisière de la forêt, le soleil couchant dans le dos, face à la 1ére section qui descendait alors une pente enneigée de très forte inclinaison, un rebelle, excellent tireur a, comme au stand de tir :
  • -blessé le sergent-chef Marcel Arpin( artère fémorale sectionnée), et plus tard logé une balle dans l'appareil photo de la poche de poitrine gauche de son treillis.
  • -foudroyé le Sous-Lieutenantt Dominique Delapierre d'une balle en plein cœur alors qu'il sélançait vers Arpin. Il tomba en criant « Je suis mort ».
       Depuis une dizaine de jours, Delapierre me remplaçait au commandement de la 1ère section. À quelques jours de « la Quille », j'avais été désigné, pour cette opération, comme adjoint au Commandant de Cie. J'avais, à ce titre, la responsabilité de l'arrière garde de la colonne.
       ­À mon arrivée sur la crête, je fus frappé par l'abattement des hommes. La fatigue marquait tous les visages et j'ai croisé des larmes dans bien des regards... « Dominique est mort, Arpin se vide de son sang entre 2 cailloux ». Ce furent les seules informations que je reçus. J'ai parcouru nos positions, pour tenter d'appréhender,au mieux, la situation. Je me suis installé au dessus d'Arpin pour rechercher une solution réfléchie. Je bus et mangeai rapidement : ce fut, je le crois, une façon d'éviter la précipitation. J'ai demandé aux chasseurs en position au dessus de Marcel Arpin, de constituer une chaîne de ceinturons, grâce à laquelle j'ai pu parvenir auprès de lui*, par un goulet raide et glacé ; je le réconfortais, améliorais les pansements et garrot de fortune qu'il s'était lui-même posés. Alors qu'Arpin me désignait l'emplacement du tireur, une balle ricochait sur le rebord de nos casques, me criblant le visage d'éclats**. Ce fut le signal de la reptation de retour, toujours sous le feu***. J'entends Marcel plaisantant avec ses hommes, pendant que nous le hissions, accroché aux ceinturons ; (Il est effectivement difficile de conserver un pantalon de treillis sans ceinture durant une telle opération...). Le sauvetage final fut accompli grâce au sang froid de l'équipage de l'hélicoptère qui nous évacua tous les deux. Lors d'un premier passage, le chef de bord avait renoncé à se poser et ne revint qu'après avoir été informé de la gravité de la blessure et des conséquences prévisibles de sa sagesse initiale. L'alouette s'est posée sur une arête très étroite, entre 2 gros talus, le rotor de queue à 70 cm de l'obstacle arrière. Je me dois d'ajouter qu'après décollage l'impact d'une balle sur le Plexiglas m'a effrayé. J'ai tremblé et claqué des dents. La tombée de la nuit et le mauvais temps empêchèrent d'effectuer une 2ème rotation. J'appris par la suite, que dans la longue descente vers Bouira, sous la neige, un chasseur venant d'effectuer un relais de portage de la civière sur laquelle reposait le S/Lt Delapierre interpella une ombre à ses côtés : »Toi qui porte rien, prends donc ce flingue( il avait, en plus du sien, le fusil de l'un des porteurs...) » « Bien sûr, mon petit gars, donnes-le moi ...» L'ombre était le Lt-colonel Flottard de la 4ème demi brigade de Fort-National, venu accompagner la compagnie dans cette opération très montagnarde.


Complément au témoignage de Jean Pfauvadel :
        * Les témoins se souviennent que le Sous-Lieutenant Pfauvadel avait posé sa carabine en disant : « Je vais chercher Marcel ».
        ** Une balle causa au S-lt Pfauvadel une estafilade à la joue.
        *** L'Adjudant Grandpierre dut se faire encorder pour tenter un tir de couverture, le long d'un éperon rocheux.

Les sous-lieutenants Delapierre et Pfauvadel accomplissaient leur service militaire dans le cadre du contingent, de même que celui qui a rassemblé les éléments de cette évocation.
Les Anciens de la 30° Promotion d'ESOA de St-Maixent honoreront la mémoire de Marcel Arpin, les 22 et 23 octobre 2002, à Chamonix.****
Michel Tschudnowsky, colonel honoraire.
**** avec ce lien , à voir en vidéo , le témoignage d'un de ses chefs. Ces pages ont été réalisées avec la collaboration de membres du Passant Bleu