La famille Bou SAÏD est
cachée par ce responsable local du FLN dans la paille de son
étable. A la réflexion, je pense que la même mesure
a dû jouer en sa faveur quand le FLN était pourchassé
par les partisans de la France. Il semble qu’après l’hiver
1962, les harkis contraints à la plus grande discrétion
vivent en reclus, mais ne sont pas recherchés avec trop de zèle.
Tous ceux qui en ont l’opportunité cherchent à passer
en France. Pour Bou SAÏD, cet état de clandestinité
va durer à peu près un an.
A la fin de l’été 1963,
il monte un scénario d’évasion avec des parents.
Un camion bâché doit venir les récupérer
de nuit en un point convenu du Djebel. Hélas, le camion ne sera
pas au rendez-vous. Bou SAÏD comprend qu’il ne viendra jamais.
La crainte d’être trahi l’inquiète. Il prend
alors la décision d’aller à pied dans la ville voisine
; là, il verra comment rejoindre Alger pour prendre le bateau
à destination de la France. Portant son tout jeune fils plus
un balluchon, sa femme probablement enceinte, portant elle aussi un
balluchon, il vont parcourir une distance d’une cinquantaine de
kilomètres, d’une traite, à travers Djebels, sans
jamais emprunter une piste encore moins une route de peur d’être
interceptés. Ils parviendront au but dans un état de fatigue
et d’anxiété que l’on imagine aisément
: hagards, épuisés, pitoyables.
Dans cette ville, deux casernes se font face
de part et d’autre de la route, d’un côté l’ALN
et de l’autre une unité française. Côté
français, un jeune soldat appelé monte la garde. Il aperçoit
le couple Bou SAID dont tout indique la détresse.
- Vous voulez entrer ? Faites vite !!!
- Ainsi,ce jeune appelé offre l’asile à Bou SAÏD
et très probablement lui sauve la vie . Honneur à ce jeune
soldat français !!! Honneur à ses cadres qui ont respecté
la parole donnée et sciemment enfreint les directives du gouvernement
gaulliste.
Mis à l’abri, réconforté,
remis en condition avec d’autres harkis, le sergent Bou SAÏD
sent que le Bout du tunnel est proche. Il a pris la bonne décision
en s’enfuyant, sa cachette précaire chez sa tante ne pouvait
être qu’une solution d’urgence momentanée.
Tous seront embarqués discrètement
dans un avion Nord-Atlas qui les déposera sur la base aérienne
de Blida . De Blida, les fugitifs seront clandestinement acheminés
à Zéralda où, le 4 septembre 1963, Bou SAÏD
souscrira un contrat à titre civil pour une durée de un
mois non renouvelable, dans le cadre d’un Centre de Réfugiés.
En Octobre, un camion bâché de l’armée française
les conduit au port d’Alger où ils embarquent pour Marseille.
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Parvenus à Marseille, les harkis et leurs
familles traversent la France d’Est en Ouest pour être parqués,
sans possibilité de sortie, dans le camp de Rivesaltes. Moins
de quinze jours après, le Sergent Bou SAÏD ayant confirmé
officiellement son désir de conserver la nationalité française,
sera embauché comme mineur à l’extraction du charbon.
Ici prends fin la vie du harki, et commence
celle du mineur dont la relation ne relève pas de notre propos.
Bou SAÏD travaillera comme mineur jusqu’à l’âge
de la retraite, ce qui lui vaudra quelques compensations non négligeables.
Malheureusement, déçu par l’attitude franchement
hostile de son milieu de travail, fortement marxisé, qualifiant
les harkis de collaborateurs et de traîtres à leur pays,
conformément aux mots d’ordre du sinistre parti communiste,
il préféra, sa retraite en poche, quitter la France et
s’établir non loin de son douar natal, où sa maison
et ses biens lui ont été définitivement confisqués
en 1963.
Le sergent Bou SAÏD est encore en vie parce
qu’en 1963 il y avait en Algérie des Français, soldats,
sous-officiers, officiers pour lequel le mot honneur avait une signification,
et qui, semble-t-il, n’ont pas pris en compte les directives gaulliennes
d’abandon des harkis.
Fin 1963, le sultan HASSAN II du Maroc, revendiquait
pour son pays la partie sud-est de la frontière commune avec
l’Algéreie. Les provocations des Algériens, et l’intransigeance
de Ben-Bella, entraînèrent les deux pays dans un conflit
armé connu sous le nom de « Guerre des Sables » et
qui eut pour théâtre la région de Tindouf, zone
de tradition marocaine arbitrairement cédée à l’Algérie
du fait des accords d’Évian. Incapable de faire face à
la menace, l’ALN enrôla de gré et surtout de forcer
tous les harkis survivants pour constituer une sorte de troupe de première
ligne. Combien encore y trouvèrent la mort ou furent blessés
?
Ironie macabre du destin, la France aidera le
Maroc… Beaucoup de soldats français se réjouirent
alors de la déroute militaire de l’Algérie…
sans savoir qu’ils avaient participé activement à
l’élimination de ceux de nos anciens compagnons d’armes,
que nous avions lâchement abandonnés, et qui avaient jusque
là survécu aux massacres organisés par l’ALN
et le FLN.
A défaurt de reconnaissance officielle,
les harkis y gagnèrent la possibilité de vivre en Algérie,
frappés d’indignité nationale, contraints à
une absolue discrétion, ne pouvant se prévaloir d’aucun
droit, mais vivants et attendant des jours meilleurs.Inch Allah...
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