Chez LADOGA BLANC
PC KARA : LA BOUGEOTTE
Près de la Main du Juif dans le Djurjura  

Montagne
Une autre activité, qui pour moi s’avère beaucoup plus originale, est le séjour de trois jours que nous effectuons dans le DJURJURA, pour le sport, bien au-dessus d’un site nommé "la Main du Juif ."
Comme la distance à parcourir est longue, la dénivelée importante, le bureau opérations nous a concocté une semaine très intéressante : mise en place héliportée, jusqu'à une cuvette pour installer notre bivouac à 1700 m d’altitude, à pied d’oeuvre ; un séjour de deux jours afin de pratiquer escalades et rappels en tous genres, descente à pied pour retrouver un convoi automobile sur l’itinéraire retour.
L’hélitransport se fait en H34. Un mini convoi fera l’aller et retour par la route. Il comprend le scout-car, deux GMC de fret tractant cuisine roulante et citerne à eau, une Jeep radio. Les personnels qui le composent ne survoleront pas la Kabylie sur près de cinquante kilomètres, mais en revanche, ils emprunteront la nationale goudronnée qui les mènera jusqu'à la Porte Civelli en plein massif du DJURJURA, puis ce qui est officiellement la RN 33. C’est la « route des crêtes », qui suit la chaîne vers l’ouest et qui offre des paysages magnifiques : forêts de cèdres d’Aït ou Abanne, plateaux herbeux, éboulis de rochers, falaises, vues panoramiques sur le nord de la chaîne...
Notre camp s’installe au bord de la nationale 33...Ce n’est qu’une piste, et durant notre séjour, elle restera totalement vide. Les sommets nous entourent : au nord-est l’ AZEROU OU GOUGANE, qui atteint 2158m. A 5 km au sud-ouest, le point le plus élevé de Kabylie : le TAMGOUT de LALA KREDIDJA, 2308m, bien sûr rebaptisé « LOLO BRIGIDA » en référence à l’actrice italienne Gina Lolobrigida .
Je n’ai pas pu pratiquer la varappe à Chamonix, mais ici, les quelques spécialistes d’escalade de la Compagnie font merveille, et je bénéficie de leur expérience : après une matinée en école d’escalade, tandis que les chevronnés repèrent quelques voies pour les sommets environnants, c’est l’aventure, par cordée de trois pour quelques-uns d’entre nous. Les chasseurs, et même quelques cadres, ne sont pas tous fanas de l’effort à accomplir, et le Capitaine ne les force pas : le but est de se faire plaisir. Que ceux qui le souhaitent en profitent ! C’est ainsi que je me souviens avoir connu mon premier « pendule », à titre d’apprentissage. En réel, cela se produit lorsque le grimpeur et celui qui assure ne se trouvent pas sur la même verticale d’escalade. La gravité fait que le poids qui tombe se place sous le point fixe, ce qui déclenche en plus de la chute un mouvement latéral de pendule. S’il se retrouve ainsi en dessous d’un surplomb, le grimpeur malheureux n’a plus d’appuis sur la paroi. La seule solution pour en retrouver est alors de se lancer, volontairement cette fois, dans un mouvement pendulaire, sur la corde d’assurance, pour reprendre des appuis... Cela n’est guère évident, et il vaut mieux s’y être entraîné .
Je me souviens aussi être grimpé sur l’AZEROU OU GOUGANE, mais le niveau technique de la cordée demandait plus de temps que celui dont nous disposions pour atteindre le sommet. Un autre souvenir, c’est d ‘avoir eu les doigts crispés sur une « prise de doigts », de ressentir les avant-bras tétanisés se lancer dans un tremblement de plus en plus rapide, avant de crier « sec ! ». Et pendant ce temps-là,...un « mammouth » nous observait à moins de 50m, le fracas des pales et le bruit des moteurs répercuté par les parois rocheuses, rendant les communications difficiles. Très Difficile, cette montagne d’été !
Les discussions au bivouac avaient changé de sujets : il était question de prise de doigts, de prise de pieds, de poignées de valise, de cheminée, d’opposition, de vire, de faille, de pitons, de cordes, de mousquetons... mais plus du tout de la guerre qui se terminait. Seuls avec la montagne, on aurait pu se croire réellement en paix. Je conserve de ces quelques jours un merveilleux souvenir ; l’un des camarades spécialistes montagne de ces journées se nomme Z. Sergent appelé originaire de Toulon, il dirigera dans les années 80 une station des Alpes. Enthousiaste, performant, ouvert, de caractère joyeux, ce fut l’une des figures de la popote de BLANC.
Le retour se fera par la route, à partir de la vallée. Pour atteindre la route, il faut descendre de plus de 1000 mètres. Cette marche se fait sous un soleil de plomb, et au milieu des rochers, avec un très long passage dans un pierrier. Au cour de la marche, un drame, relatif, va se jouer : Ralf, l’un des chiens éclaireurs de la Compagnie pendant les dix huit derniers mois ne supporte pas la chaleur qui règne dans ce pierrier : malgré les soins de son maître qui le porte sur les épaules, malgré l’eau qu’il tente de lui faire boire, le fidèle compagnon réagit de moins en moins. Le chien qui fait près de 40 kg épuise son maître, et dès le premier arbre, un moyen d’évacuation des blessés est constitué : une toile de tente suspendue à une perche, avec deux porteurs qui se relaient. Mais lorsque le convoi est atteint, le grand gaillard qui s’en est occupé pendant près de deux ans est en larmes. Ralf est mort. Il sera ramené au cantonnement.

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